Par Marius-Joseph Marchetti,
Si il est une constatation que nous pouvons faire aujourd’hui, c’est que depuis de nombreuses décennies, l’impôt n’a plus seulement été un instrument de financement des instances publiques, mais, plus pervers encore, un outil de politique économique et sociale, qui se doit de corriger la répartition des richesses acquises sur le marché. Et une de ces formes de politique économique, est l’impôt progressif, où chaque individu est prélevé plus ou moins selon la tranche de revenu à laquelle il appartient, avec un taux de prélèvement pour chaque tranche ( O% si vous gagnez moins de 9760 euros par, 14% sur ce que vous touchez comme revenu entre 9760 et 26818 euros de revenu annuel, 30% entre 26818 et 71899, 41% entre 71899 et 152260, et 45% au-dessus de 152260 euros de revenu annuel).
La progressivité de l’imposition est plus grave qu’une simple discrimination entre individus, censés être égaux devant la loi : elle crée dans l’économie une distorsion des différents taux de salaire du fait des montants imputés variant des rapports productifs du milieu professionnel, en plus du fait que la progressivité s’accompagne de niches fiscales favorisant de facto injustement certaines activités au détriment d’autrui. La distorsion qui affecte donc les activités économique change les différents rapports de la structure productif en même temps qu’elle la décourage. Non seulement la progressivité ralentit l’activité d’un individu ainsi que son rapport au temps, mais qui plus est, elle encourage et permet l’attraction de capitaux vers des activités défiscalisées ou carrément encouragées car subventionnées (par voie de lobbying et d’achat de loi), qui, sous un même rapport d’imposition, se serait dirigés vers des activités permettant une meilleure rémunération.
La progressivité occasionne donc plus d’un mal :
-En dehors de la question du droit et de la justice[1], l’impôt progressif détruit l’incitation productive car il réduit le niveau de rémunération d’une heure de travail. Il la réduit d’autant plus dans les secteurs à forte concentration de capital où les niveaux de rémunération sont élevées, nuisant donc au développement des pays. [2]
-Elle défavorise l’accumulation de capital par les nouveaux entrants sur les marchés qui ne peuvent que difficilement en trouver pour faire concurrence à des firmes déjà existantes et en place. Loin donc d’être un outil de solidarité, l’impôt progressif réduit l’égalité des chances en ralentissant la mobilité sociale. L’égalité produite sur le court terme a prix terrible sur le long terme. Une part des prélèvements va effectivement des plus riches aux plus pauvres, mais cette redistribution finit par aboutir à la création de sociétés stationnaires. [3]
-La progressivité, car elle s’accompagne d’un immense système de niches fiscales pour calmer les ardeurs de minorités, favorise des activités au détriment d’autres. Ce n’est plus le différentiel de rentabilité, mais celui de lobbying et d’imposition qui permet d’expliquer la structure productive d’une économie. L’impôt sur le revenu progressif ne se justifie même pas par des recettes fiscales élevées, étant donné qu’en France, la CSG à un taux proportionnel et uniforme à 8,5% rapporte plus que l’IRPP et ses nombreuses branches (et exemptions). La progressivité provoque donc un mal-investissement, la survie d’entreprise qui ne doivent pas survivre et la mort d’entreprise qui ne doivent pas mourir.
On peut ainsi se demander, pourquoi l’impôt sur le revenu est aussi intouchable (autant, voire plus que l’ISF), alors qu’il est injustifié autant d’un point de vue morale et économique : pourquoi est-il autant défendu ? Pour la simple raison qu’il existe (ou du moins, qu’il est maintenu) pour des raisons strictement électorales. À l’heure d’une démocratie qui ne cherche plus à faire respecter des règles universelles de justice pouvant être appliqué à tous (comme au temps de la Grèce Antique, et de certaines démocraties où les pouvoirs étaient strictement et réellement séparés, comme celui de voter les dépenses et celui de voter les impôts au Royaume-Uni il y a quelques siècles), mais simplement à maintenir un système de patentes et de privilèges pour que certains soient réélus, l’impôt progressif a sa place. Il y est défendu par principe de justice sociale, alors qu’il est en, même temps, l’émanation de tout ce qui n’est pas justice (car il se fait expropriation, contraire à ce qu’Aristote appelait une « justice commutative »), et l’émanation d’une nouvelle forme de privilège caractéristique du gouvernement représentatif du XXIème siècle.
[1] : “Du fait que les gens sont très différents, il résulte que si on les traite également, le résultat ne pourra être que l’inégalité de leur position effective , et que le seul moyen de les placer en position égale serait de les traiter différemment. L’égalité devant la loi et l’égalité matérielle ne sont donc pas seulement différentes, mais en conflit l’une avec l’autre ; et nous pouvons réaliser soit l’une, soit l’autre, mais pas les deux en même temps. L’égalité devant la loi, que requiert la liberté, conduit à l’inégalité matérielle. Nous soutiendrons dans ces conditions la thèse suivante : si dans une société libre l’État doit traiter tous les individus de la même manière quand il est amené à user de la force, le désir d’égaliser la condition matérielle ne saurait justifier un surcroît de coercition discriminatoire.” Friedrich Hayek, La Constitution de la Liberté
[2] : “Toutefois, la plus sérieuse conséquence du découragement à la formation des capitaux là où se présentent des opportunités temporaires de gains importants est l’affaiblissement de la concurrence. Le système tend généralement à favoriser l’épargne d’entreprise plutôt que l’épargne individuelle, et plus spécialement à renforcer la position des entreprises déjà installées au détriment des nouvelles. Il contribue ainsi à l’apparition de situations quasi monopolistiques. Parce que l’impôt d’aujourd’hui absorbe la majeure partie des profits «excessifs» du nouveau venu, celui-ci ne peut pas, comme on l’a dit à juste titre, «accumuler du capital ; il ne peut accroître la dimension de ses affaires ; il n’aura jamais une grande entreprise à même de menacer les positions établies. Les vieilles firmes n’ont rien à craindre de sa concurrence : elles en sont protégées par le percepteur. Elles peuvent impunément se laisser aller à la routine, dédaigner les souhaits du public et devenir conservatrices. Il est vrai que l’impôt sur le revenu les empêche, elles aussi, d’accumuler du capital. Mais ce qui compte davantage pour elles est qu’il empêche le nouveau venu d’en accumuler si peu que ce soit. Elles sont virtuellement privilégiées par le régime fiscal. En ce sens, la fiscalité progressive bloque le progrès économique et engendre la rigidité ».” Ludwig Von Mises, Human Action
[3] : “Par conséquent, on peut concevoir deux façons différentes de réduire l’inégalité et d’abolir la pauvreté par une redistribution délibérée : en se plaçant du point de vue du long terme, ou en se plaçant du point de vue du court terme. À court terme, en un moment donné, nous pourrions améliorer le sort des plus pauvres en leur donnant ce que nous prendrions aux riches. Cette égalisation relative des positions dans la colonne du progrès accélérerait temporairement son resserrement vers l’avant ; mais, en revanche, elle ne tarderait pas à ralentir la progression de l’ensemble et, à la longue, elle freinerait celle des derniers rangs. De récentes expériences en Europe confortent cette vue. La rapidité avec laquelle de riches sociétés y sont devenues stationnaires, sinon stagnantes, en raison de politiques égalitaires – pendant que des pays pauvres mais hautement compétitifs sont devenus dynamiques et ont beaucoup progressé – constitue l’un des phénomènes les plus frappants de l’après-guerre. Le contraste à cet égard entre les pays à État-providence, tels que la Grande-Bretagne et les pays Scandinaves – et d’autres comme l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique ou l’Italie, commence à être reconnu, même par les premiers. Si on avait eu besoin d’une démonstration pour établir que le plus sûr moyen de condamner une société à la stagnation est d’imposer à tout le monde l’équivalent d’un niveau de vie moyen, et de ne tolérer aux plus efficients qu’un niveau à peine supérieur à la moyenne, ces expériences la fournissent clairement.” Friedrich Hayek, La Constitution de la liberté