Par Marius-Joseph Marchetti,
Cette traduction vous est offerte par les soins de notre contributeur Marius-Joseph Marchetti. Celle-ci a avant tout pour but de familiariser le lecteur avec les arguments des libéraux sur le caractère immoral que peut avoir ou non le capitalisme dans la pensée de nombre de nos contemporains. Le lien originel est disponible en bas de page.
« Un correspondant qui se décrit comme «un diplômé de 26 ans qui soutient fortement un système de libre entreprise» m’a récemment écrit pour me dire qu’il est «continuellement confronté à des questions auxquelles il lui est difficile de répondre». Il a ajouté une liste de 10 d’entre elles et m’a demandé des éclaircissements.
J’offre ma réponse ici. Pour économiser de l’espace, je n’ai pas répété ses questions, en supposant qu’elles puissent être clairement devinées à partir de mes réponses.
Cher Monsieur._____________________ :
Le nombre de fautes qui ont été alléguées contre le capitalisme est sans limite. Peu d’allégations ont un quelconque mérite, et quand elles en ont, la raison se trouve généralement dans les faiblesses de la nature humaine elle-même. Pratiquement toutes les critiques supposent tacitement que les fautes imputées pourraient facilement être corrigées par une forme de socialisme ou de communisme, ou par une intervention ad hoc du gouvernement qui, en fait, aggraverait la situation.
Par ces remarques préliminaires, laissez-moi essayer de donner de brèves réponses à vos dix questions.
1. Le capitalisme dépend de la consommation de ressources naturelles, et certaines d’entre elles pourraient éventuellement être épuisées. Mais cela doit se produire dans n’importe quel système de production imaginable lorsque la population devient suffisamment importante par rapport aux ressources. Mais le capitalisme s’est montré ingénieux pour trouver des substituts ou pour assurer le renouvellement des ressources (comme dans la foresterie scientifique, par exemple).
2. Il y aura probablement toujours des pratiques de collusion et de fixation des prix privés. Encourager la concurrence privée est probablement le meilleur remède pour cela, ainsi que des lois appropriées contre les collusions clairement nuisibles.
3. Non seulement les services publics accordent souvent à des tarifs inférieurs à ceux qui utilisent plus d’énergie ; mais presque tous les vendeurs accordent également des tarifs plus bas aux gros consommateurs parce que le produit peut leur être fourni à un coût inférieur. Si les grandes entreprises automobiles consomment plus d’acier qu’un petit fabricant de quincaillerie, cela ne signifie pas nécessairement que les grandes entreprises gaspillent davantage d’acier.
4. Le capitalisme privé implique la libre concurrence. Le capitalisme favorise moins le phénomène de concentration que le socialisme, et des lois bien rédigées peuvent prévenir les méthodes coercitives de concentration. Il est vrai que les grandes entreprises peuvent parfois baisser les prix de manière excessive pour essayer de chasser les petits concurrents, mais elles ne peuvent le faire qu’à un coût sérieux pour elles-mêmes. Il est plus souvent allégué que prouvé que de telles pratiques se produisent avec une fréquence réelle.
5. Certes, un capital adéquat est parfois difficile à obtenir pour des petits producteurs. Mais il peut être obtenu par l’épargne, par les bénéfices antérieurs des opérations à petite échelle, ou par l’emprunt. L’emprunt peut être fait si un entrepreneur potentiel peut convaincre un ami ou une banque qu’il est susceptible de réussir. Qu’une agence gouvernementale fournisse du capital à des individus afin de devenir producteurs, ne ferait qu’encourager le favoritisme, la corruption et le gaspillage scandaleux.
6. Il est vrai que les dirigeants ou les directeurs de grandes entreprises peuvent parfois essayer d’utiliser le capital et la gestion de leur entreprise principalement pour s’enrichir. De telles pratiques peuvent être minimisées par des actionnaires vigilants et des lois corporatives et l’application de loi approprié. Mais les entreprises dans lesquelles ces pratiques se produisent largement seront bientôt brisées et éliminées au profit d’entreprises honnêtes.
7. Il n’existe aucun moyen scientifique de mesurer la «productivité» dans une économie axée sur les services. La plupart des tentatives actuelles pour le mesurer reposent sur des hypothèses fallacieuses. La valeur totale de la production est essentiellement subjective et non objectivement mesurable. Les calculs officiels du PNB sont en grande partie frauduleux. Par exemple, une récolte courte de blé ou de maïs se vend généralement plus cher qu’une récolte supérieure à la normale. Si nous pouvions produire tout ce que quelqu’un voulait, le revenu national serait nul. Comme rien ne serait rare, rien ne pourrait avoir de prix.
8. Il est parfois difficile de savoir quelles sont les blessures subies par la faute du travailleur et celles causées par de mauvaises conditions de travail fournies par l’employeur. En tout cas, presque partout aujourd’hui, l’employeur est légalement obligé de payer « l’indemnisation des ouvriers » pour la plupart de ces blessures.
9. Certes, le capitalisme ne fournit pas de logement «égal» ou de salaire «égal». Si nous nous y essayions, indépendamment de la différence entre les compétences et l’ouvrage des différents travailleurs ou même si un homme ne travaillait pas du tout, nous détruirions bientôt toutes les incitations à la production et aurions peu de logements ou quoi que ce soit d’autre.
10. Il n’y a rien d’ « inhumain » dans le capitalisme lui-même. Il ne force pas juridiquement à la compassion ou la charité de la part des particuliers, mais il n’y fait pas non plus obstacle. Le socialisme suppose que personne ne va aider les pauvres à moins que les politiciens ne l’y obligent. Le capitalisme est, en fait, le plus «humain» de tous les systèmes. Il fournit la plus grande quantité de biens et services matériels, à la fois de nécessités et de luxes, pour l’humanité. Il soutient le plus grand nombre d’êtres humains et fournit aux plus prospères un surplus au-dessus de leurs besoins, susceptible d’être confié à des personnes moins performantes, volontairement ou fiscalement. Sans le capitalisme, en bref, la plupart de ses détracteurs actuels ne seraient pas là aujourd’hui pour le dénoncer.
Un système défectueux
Un dernier mot. Vos questions supposent tacitement que le capitalisme est le système sous lequel nous vivons actuellement. Ce n’est pas le cas. Nous vivons sous ce que le regretté Ludwig von Mises appelait le capitalisme «saboté».Nous vivons sous un réseau d’interventions gouvernementales qui découragent ou empêchent le capitalisme de fonctionner. Avec l’impôt “progressif” sur le revenu, le gouvernement exproprie une partie cruciale des fonds qui seraient autrement investis dans une augmentation de la production et de l’emploi. En imposant des lois sur le salaire minimum, en encourageant le syndicalisme coercitif et en subventionnant le chômage, le gouvernement a imposé des taux de salaire américains excessifs, rendant nos industries automobiles et sidérurgiques incapables de concurrencer les importations étrangères et entraînant un chômage chronique. Après avoir fait cela, les politiciens blâment nos fabricants nationaux de ne plus être «compétitifs», «agressifs» ou «innovateurs», et proposent encore plus d’interventions pour les forcer à l’être. L’anticapitalisme engendre donc encore plus d’anticapitalisme. » Henri Hazlitt
[Extrait du numéro de juillet 1983 de The Freeman, initialement intitulé « Why Anticapitalism Grows. » Disponible dans The Wisdom of Henry Hazlitt.]
Henry Hazlitt (1894-1993) était un journaliste bien connu qui a écrit sur les affaires économiques pour le New York Times, le Wall Street Journal et Newsweek, parmi beaucoup d’autres publications. Il est peut-être mieux connu comme l’auteur du classique, Economics in One Lesson (1946).