[Article] Des privilèges, ou le piège de l’Etat : Mise en garde contre le “collectivisme progressif”

Par Marius-Joseph Marchetti,

On a entendu bien des slogans quant à la réforme du Code du Travail débutée par le Président Macron. L’essentiel de ces critiques, bien évidemment, repose sur le fait que le “démembrement” du Code du Travail va précariser l’ensemble des travailleurs sur le sol français. Or, c’est déjà avoir un biais important que de penser que le Code du Travail protège l’ensemble des travailleurs français, et pas seulement les castes syndicales qui, par leur action, ont évincé nombre de travailleurs par des mesures réglementaires restrictives et l’élévation des salaires réels au-delà de leur niveau naturel. En ce sens, les termes de “outsider” et “insider” prennent tout leur sens. Le coût de la protection dont bénéficient les salariés protégés est supporté par ceux se retrouvant au chômage et en situation de contrat court : la protection des uns est subie par les autres.

 

« Jamais une classe ne fut exploitée d’une manière plus cruelle que le sont les couches les plus faibles de la classe ouvrière par leurs frères privilégiés, exploitation rendue possible par la réglementation de la concurrence [..]. Plus la sécurité devient un privilège, plus on appréciera la sécurité. Si quelqu’un dans sa jeunesse n’a pas su se faire admettre au paradis des situations salariées, il risque de demeurer toute sa vie un paria. »

Friedrich Von Hayek, La Route de la servitude 

 

Une classe, au sens marxiste du terme, ne se protège pas dans sa “globalité” comme on a pu l’entendre chez ceux-ci ; c’est uniquement l’organisation de certains intérêts particuliers au sein de cette même “classe” (définie dans tes termes purement matériels) qui détermine les privilèges. Comme dans le cas du protectionnisme, la protection des uns est créée par une hausse artificielle du prix relatif de leur bien (et donc de leur profit) et par une baisse mécanique du profit des firmes non protégées. Et c’est nécessairement un privilège car les lois “protectrices” se doivent d’être exclusives à certains travailleurs car sinon elles seraient inutiles : la réduction du temps de travail et la hausse des salaires “planifiées” des uns se doit d’être compensé par un effort fourni plus grand par les autres acteurs économiques : par des réductions d’effectif, par une hausse des machines au sein des entreprises, voire des hausses de prix dans le cas de certains biens de consommation, comme on a pu le constater avec la hausse du Salaire minimum dans certains Etats américains[1].

 

C’est ainsi que, ce que Walter Lippmann appelle le “collectivisme progressif”, se met en place. On ne peut mesurer l’impact d’une mesure particulière, tout en fermant les yeux sur l’ensemble des mesures qui seront engagées à la suite de la distribution des premiers privilèges. Bientôt, les agriculteurs demanderont qu’on soutienne le prix du lait face à la concurrence étrangère, les éleveurs de bovins voudront la restriction des troupeaux, les industriels du textile exigeront la réglementation des produits étrangers, on manifestera pour instaurer des tarifs et des droits de douane sur les importations et certaines professions manifesteront pour que l’on réduise artificiellement le nombre de leurs concurrents car, prétextera-t-on, il n’y a plus assez de profits à se faire pour soutenir un nombre de producteur qui irait croissant. Et c’est effectivement la mécanique de la France de 2017, et depuis bien des décennies, perdue dans ses 400000 réglementations diverses et variées, ces centaines d’impôts avec un nombre délirant de niches fiscales, son dirigisme patent et son jacobinisme qui tue tout.

Or, dans une société où tout un chacun se doit de financer un nombre hallucinant de “privilège des autres”, il est moins coûteux d’oeuvrer pour avoir une partie de la loi pour soi plutôt que de participer dans le marché pour fournir des biens et des services à ses pairs : nous pouvons, affligés que nous sommes, repenser à cette célèbre citation de Ayn Rand, tiré de son livre La Grève (traduit par Sophie Bastide-Foltz ) :

“Quand la contrainte, et non le consentement mutuel, préside aux échanges commerciaux ; quand il vous la permission de ceux qui ne produisent rien pour produire ; quand l’argent revient à ceux qui échangent des faveurs et non des biens ; quand les hommes gagnent davantage des pots-de-vins et des intrigues qu’avec leur travail et que vos lois ne vous ne protège pas contre eux mais les protègent contre vous ; quand la corruption est récompensée et que l’honnêteté devient de l’abnégation … Vous pouvez dire que les jours de la société sont comptés.”

Francisco d’Anconia, un des protagonistes du livre Atlas Shrugged ou La Grève

C’est ainsi que la faillite naturelle arrivera un jour : car le collectivisme progressif n’a pas de limite. Comme le dit si justement Lippmann dans son La Cité libre, Karl Marx a moins fait pour le communisme que tous les gens de la société qui militèrent pour la distribution de nouveaux privilèges. Comme aboutissement de tout cela, nous trouvons une société uniquement constituée par des privilèges qui n’a que deux possibilités : la mort ou le communisme, ou le fascisme selon des caractéristiques qui sont propres à certains pays. Ces caractéristiques nous sont bien justement décrites, encore une fois, par Walter Lippmann :

« Ainsi, sous le fascisme, le prolétariat devient impérialiste et l’impérialisme devient prolétarien. La nation, militairement organisée, se prépare à lutter contre les nations qu’elle considère comme les propriétaires, les accapareurs, les possesseurs privilégiés de territoires riches, de ressources naturelles, et des principales voies de communication du monde. Le communisme et le fascisme ne se ressemblent pas seulement par leurs méthodes de gouvernement ; ils ont au fond les mêmes fins. Lorsque les richesses naturelles existent à l’intérieur des frontières nationales, comme en Russie, l’agression prolétarienne est intérieure ; lorsqu’elles n’existent pas à l’intérieur des frontières, comme en Italie et en Allemagne, l’agression prolétarienne est nationalisée. On la tourne vers l’extérieur, vers l’étranger, vers la conquête des colonies et des territoires des voisins plus pacifiques mais plus riches. »

 

Ainsi, à ces étatistes qui nous répondent qu’il faut réparer, pondérer, altérer le capitalisme et la libre-entreprise, il faut leur rappeler qu’il n’y a pas de troisième voie. Le collectivisme progressif ne s’arrête jamais, tel le drogué réclamant une dose toujours plus élevé de sa substance favorite. Entre la thérapie ou la mort par overdose, il y a la même différence qu’entre la liberté du système des contrats libres et le système de commandement par une volonté unique.

 

[1] : https://www.contrepoints.org/2015/05/17/208051-le-salaire-minimum-drame-pour-les-plus-pauvres

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