Billet – En route pour 2022

Par Titou,

Je viens de finir le chef d’œuvre, en exagérant un tout petit peu, de Léonard Peikoff : The Ominous Parallels. Livre ô combien intéressant à bien des égards et j’aimerais en faire un raisonnement à peu près similaire sur notre pays en attaquant sous cet angle différent  .

Dans son livre, The Ominous Parallels, Piekoff fait le parallèle entre deux pays, L’Allemagne nazie et les USA, en partant du postulat suivant :

Il écrit que la montée, puis l’arrivée d’Hitler au pouvoir, est dûe à des siècles de choix de philosophes qui ont défendu la soumission de l’individu à l’État. Il étrille Platon, Kant, Hegel et Marx mais surtout ceux qui ont instrumentalisés ces philosophes, soit par soucis de pragmatisme, d’utilitarisme ou par convenance idéologique. Hitler n’hésitait pas à glorifier Nietzsche en qui il voyait la quintessence de l’homme aryen dans ses écrits, alors que l’Histoire démontrera que la sœur du philosophe a manipulé les écrits de son illustre frère. Donc, pour Léonard Peikoff, si Hitler a pu arriver au pouvoir c’est parce que les allemands étaient philosophiquement prêt. On a assisté à des années d’un long processus de décomposition de l’individu, de haine de soi au profit du bien-être de l’État-Nation et qui a fini par conduire au pire de ce que l’humanité a produit.

« Cela a pris près d’un siècle pour que les idées kantiennes soient implantées dans l’esprit de l’allemand.
Cela a pris 14 ans pour Hitler, en s’appuyant sur cette logique, jusqu’à son avènement en tant que chancelier.
Cela a pris 6 mois pour le nouveau chancelier de transformer son pays en un État totalitaire. »

Leonard Peikoff – The Ominous Parallels

De cette réflexion, nous pouvons en faire un certain parallèle avec ce qui se passe en France. Le pays des Lumières, de la liberté et de la conception même de l’individualisme est, au fur et à mesure du temps, tombé entre les mains d’idéologues fanatiques voyant en l’État un idéal de développement du peuple. Si Piekoff cible Hegel et Kant, en France, on peut aisément ajouter Rousseau et son contrat social. L’œuvre du philosophe français a servi de fondation de la République. En effet, dès les balbutiements de Révolution française, les révolutionnaires y trouvant leurs comptes. Robespierre ne s’en ai jamais caché et à toujours montré son admiration pour ce maître en qui il voyait le concepteur d’un système sans faille. Tout, ou presque, qui sortira ira dans le sens des idées du maître. Tout le système est passé sur le mode : La République est grande, Elle vous nourrit et Elle vous fait. La République n’est plus un système mais une mère, un père et un Créateur.

 

Nous sommes de plus en plus dans ces discours de destruction de l’individu de la part des philosophes, des médias ou des politiques. La masse du peuple en vient à haïr son voisin qui réussit car il l’a sûrement volé à un autre. La réussite doit être collective et au profit de la Nation. Désormais, seul compte le bien-être de la République et donc, du collectif.

 

Pourquoi 2022 ?

Parce que le peuple est presque prêt pour le collectivisme, pour le repli et pour la vengeance. Les prochaines générations, qui vont acquérir le droit de vote, auront vite fait de se trouver un leader qui les mènera à une destruction programmée. 2017, les élections ont encore montré que 100% des électeurs veulent plus d’État et que 50% ont donné leur aval aux extrêmes, nationalistes ou non. Dans les discours le « social » devient une obligation de survie et de prospérité, le libéralisme individualiste un ennemi mortel. Il faut combattre les inégalités du capitalisme c’est une question de justice sociale. Le pragmatisme et l’utilitarisme deviennent la nouvelle loi et autorisent toutes les dérives.

« La justice sociale est à la justice ce que la chaise électrique est à la chaise. » Anonyme.

Des 316 pages du livre, je retiens en particulier, ce passage :

« Les démocrates allemand ont annoncé, comme optionnelle alors que la « législation sociale »  devait être vue comme une absolue nécessité.

Plusieurs semaines plus tard, le taux d’inflation explosant, d’autres groupes d’allemands étaient entendus. Ils croyaient en la suprématie de la « Société », en dehors d’un régime républicain : « Il s’agit d’un État spoliateur… Nous ne nous soumettrons pas à un État fondé sur l’escroquerie la majorité. Nous voulons une dictature… » »

Leonard Piekoff – The Ominous Parallels.

Loin de voir poindre des idées plus ou moins proches du nazisme, la France voit éclore de nouveaux fascismes basés sur le bien-être du peuple et laissant de façon systématique l’individu de côté, jalousant toute réussite personnelle et prônant la spoliation des biens par la force car, forcément, mal acquis. Fascisme de la bonne pensée où le moindre écart de la pensée globale est pointé du doigt par une jeunesse qui imagine encore avoir son libre arbitre. Génération bercée à la novlangue, chère à Orwell, qui a vu les idées se simplifier et les mots disparaître. Moins il y a de mots moins il y a de concepts possibles et d’idées à développer.

« Le but de l’éducation totalitaire n’a jamais été d’inculquer des convictions mais de détruire la faculté d’en former. » Hannah Arendt

De plus en plus, le fond des débats s’efface au profit de la forme. Le développement des idées ne passe plus que par des slogans généraux qu’on hésite pas à balancer comme argument d’autorité. Le mouvement « Nuit Debout » en est un bon exemple. Des idéologues prenant la parole et faisant des discours sans fondement réel devant des parterres acquis à la cause et réduisant au silence tout esprit contradictoire. Comme le souligne Umberto Eco, dans son discours sur les fascismes (25 avril 1995), le fascisme n’est pas basé sur une ou des philosophies, comme peut l’être le nazisme, mais uniquement sur la rhétorique. Des mots sans sens distillés par une éducation nationale totalement détournée pour la propagande et des leaders qu’on n’hésite pas à classer comme intellectuels pour la mise en place de la soumission à une nouvelle République plus juste et plus égalitaire.

Ces nouveaux fascismes n’accordent plus de droits individuels, mais des droits au peuple indivisible et au collectif. Toute idée va dans le sens du peuple indivisible. Durant la campagne présidentielle, il n’a pas été rare d’entendre les candidats parler d’intelligence collective, de réussite collective ou d’unité pour faire bouger les choses. Jamais l’individu ne s’est retrouvé au centre des débats. Pourtant, c’est bien l’individu qu’il faut choyer.

« On peut jouer au fascisme de mille façons, sans que jamais le nom du jeu ne change. »
Umberto Eco

Il viendra le temps où le peuple ivre de collectivisme, de colère et de vengeance en appellera au pire. Les générations qui arrivent ont baigné dans ces idéaux collectivistes et égalitaires, dans cette baisse du niveau scolaire et dans le dépouillement du sens des mots. Je suis peut-être alarmiste en voyant une montée totalitaire, mais devant un tel manque de discernement et de méconnaissance des schémas il y a de quoi s’inquiéter. Il faut se battre pour en faire connaître les mécanismes. Mais, je sais aussi que tout système totalitaire a une faille et qu’elle vient de la seule chose qu’il cherche à détruire : l’individu et sa nécessité d’exister pour lui.

« C’est encore Saint-Simon qui, plus que tout autre, a inventé la notion du gouvernement de la société par des élites usant d’une double morale. Il y a bien sûr, quelque chose de cela chez Platon et chez d’autres penseurs antérieurs, mais Saint-Simon est pratiquement le premier à dire ouvertement que la société ne doit pas être gouverné de façon démocratique, mais par des élites qui comprennent les besoins et les possibilités technologiques de leur époque  ; et que, puisque la majorité des êtres humains sont stupides, et qu’ils obéissent principalement à leurs émotions, ce que l’élite éclairée doit faire, c’est de suivre une certaine morale et d’en prêcher une autre au troupeau humain qu’elle dirige. La notion de double morale, si omniprésente, par exemple, dans les utopies cauchemardesques d’Aldous Huxley et de George Orwell, trouve son origine dans l’optimisme radieux de Saint-Simon qui, loin de juger immoral ou dangereux ce genre de double discours, y voit la seule voie vers le progrès, la seule façon de faire avancer l’humanité jusqu’aux portes du paradis dont, croit-il comme les penseurs du XVIIIeme siecle, elle est le plus digne, et qu’elle est sur le point d’atteindre – à condition qu’elle se range à ses avis. »

Isahia Berlin.


Bibliographie :

Léonard Piekoff – The Ominous parallels (en anglais) :

http://www.peikoff.com/lr/home.htm

Umberto Eco – Reconnaître le fascisme :

http://m.grasset.fr/reconnaitre-le-fascisme-9782246813897

 

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