Par Chuck Noel,
« Quelle légitimité pour les lanceurs d’alerte ? »
Cette problématique, pourtant, ne devrait pas se poser, la réponse devrait aller de soi. Mais à l’heure de la désinformation de masse, ce questionnement normalement de bon sens mérite tout de même d’être rappelé.
Le « lanceur d’alerte » c’est cette personne qui va dénoncer, malgré le contrat et sa clause de confidentialité qui le lie, les agissements de l’entité pour laquelle il travaille ou collabore. On pense, de prime abord, à Snowden qui a divulgué un certain nombre d’informations classifiées par l’État américain sur la surveillance de masse des populations. On pense également à Wikileaks et son fondateur Julien Assange, qui encore récemment divulguait des informations compromettantes sur Hillary Clinton. On peut aussi penser aux « Panama Papers » où furent divulgués les noms des personnes ayant un compte bancaire au Panama. Ces trois affaires ont un lien : celui d’informer la population de tel ou tel agissement des États.
Le lanceur d’alerte est dans ce cas, un dévoué, puisqu’il ne fait que rendre public ce qui devait être public dans un État de droit. État dans lequel où ses pouvoirs sont censés être limités par une Constitution -qui a été approuvée de manière libre et éclairée par des individus. Dans ce Contrat Social (Locke) l’État doit constamment rendre des comptes aux individus cocontractants, dans la mesure que ce Contrat a été accepté dans la seule fin d’assurer la conservation desdits individus, en palliant à l’incertitude de justice dans l’état de nature. Autrement dit, les lanceurs d’alerte accompliraient, ici, un devoir légitime. Bien que la question pourrait toujours se poser quant à la nature et l’étendue des informations divulguées, par exemple, des informations qui intéresseraient la Défense d’un État.
Si la question ne se pose pas pour des lanceurs d’alertes d’actes tyranniques, la question se pose en revanche lorsqu’il s’agit de lanceurs d’alertes dans des sociétés privées. Ici, la dimension étatique y est totalement absente, difficile ainsi de légitimer l’action d’un potentiel lanceur d’alerte. En effet, dans la mesure qu’il y a un contrat liant la personne susceptible de lancer l’alerte et la société susceptible d’être le théâtre de cette alerte. Ainsi, une alerte ne saurait être lancée sans engager la responsabilité de l’alerteur qui devra en assumer toutes les conséquences. Ce qui semble, finalement, logique.
Malgré tout on pourrait se poser la question de la légitimité de l’alerte lorsque celle-ci intéresse un acte antinaturel. Par exemple, une entité privée qui porterait atteinte au droit de propriété d’un tiers. Si dans ce sens l’acte de la société privée est effectivement antinaturel, le lanceur d’alerte pourrait être légitime. Cette légitimité se concrétiserait alors après enquête et éventuellement un jugement rendu par un juge indépendant, de l’auteur de l’acte antinaturel.
Mais la difficulté résiderait, surtout, dans le fait que le lanceur d’alerte verrait de plein droit sa responsabilité engagée vis-à-vis de la société privée, par exemple, en se faisant licencier. Dans la mesure qu’il a signé un contrat l’engageant à la confidentialité. L’issue dans ce cas ne serait pas évidente puisque le lanceur d’alerte, bien que l’alerte soit fondée, à beaucoup à perdre. Ce qui dans les faits pourrait faire échapper ces actes antinaturels de toute sanction. Il en résulterait alors un paradoxe entre la sanction de l’antinaturel et l’engagement de la responsabilité de l’individu.
La seule voie de sortie serait la voie judiciaire, par l’indemnisation du lanceur d’alerte licencié. Mais la limite restera toujours celle de la réparation partielle du lanceur d’alerte lorsqu’il était salarié d’un emploi stable. L’indemnisation, à moins, d’être excessivement élevée ne saurait remplacer un emploi stable. Dans la mesure où l’indemnisation devra être limité afin de nécessairement limiter la saturation des avertissements.
Dans tous les cas, le bilan coût avantage se fera au détriment du lanceur d’alerte. La question reste en suspend.