[Billet] – Essai sur la relation thermique des mouvements sociaux (Première partie)

Par CorsicanLibertarian,

Certaines personnes s’arrêteront peut-être dès la lecture de ce titre qui semble peu engageant. Le chaud et le froid, rien de plus simpliste et enfantin ? C’est exactement le sentiment que j’ai eu au début de cette réflexion. Cependant, celle-ci reste pertinente, et il nous faudra nous pencher quelque peu sur l’organicisme, les foules, les classes, les révolutions, pour nous en rendre compte. Nous utiliserons également un certain d’analogies, limitées mais réelles, dans le domaine biologique. Commençons donc le cheminement ici :

Partons d’un postulat relativement inhabituel : ni purement individualiste (méthodologique), ni purement holiste. Le fait social est le fait de l’individu, mais le fait de l’individu est également un fait du corps social, si bien qu’il existe une double relation entre l’individu et la société, ni tout noir, ni tout blanc. La société « conditionne » l’individu, dans le sens où « elle » (entendez ses pairs) lui impose des conditions d’existence en son sein (la participation à certains faits sociaux par exemple, le jugement moral, etc …). Ce raisonnement marche en sens inverse, car l’individu vît de ses interactions et commerce avec ses pairs, et pour sa survie-même, il se doit d’être un Actif, un être productif. Ainsi, si la société impose des conditions d’existence à l’Individu, les conditions d’existence naturelles de l’homme (le besoin d’être productif et de faire usage de sa cognition) conditionne la Société, qui a besoin d’homme vivant, et donc respectant des « règles naturelles ».

Désormais, intéressons-nous à la société comme semi-organisme vivant. Pourquoi “semi” ? Car si chaque organisme a une fin propre et définie, ce n’est pas le cas de la société, qui est caractérisé par un impressionnant dualisme : le corps est distinct de la pensée, car il n’y a pas qu’une pensée, mais plusieurs. Le corps social a donc ceci de distinct de l’ordinaire organisme vivant que son corps n’est pas uniforme, mais pluriforme. Voilà pourquoi l’organicisme dont nous ferons preuve sera modéré, car il manque à notre “corps” les véritables attributs du vivant naturel. Ceux sont ces différences qui imprègnent le même corps qui provoqueront des mouvements et des modifications des structures exist antes. Et ces mouvements, c’est les pluri-températures du corps qui les guident. De la même manière que c’est l’air froid, pesant et près du sol, qui attire l’air chaud, vif et mouvant, et qui occasionne les bourrasques, ceux sont les structures inchangées et rentières qui occasionnent le déplacement des foules et des masses à leur encontre, provoquant selon une trop forte disparité des chaleurs internes des révolutions, bouleversant l’entièreté du corps social car détruisant le plus souvent toutes ces structures intermédiaires, tous les liens charnels les unissant. Nous nous pencherons donc, par la suite, au cas des Révolutions, car elles peuvent être emplies, non de liberté, mais de servitude. D’un point de vue thermique, le révolutionnaire s’apparente à la lave en ébullition, là où le réactionnaire n’est rien de moins que le “zéro absolu”, à savoir la température la plus basse jamais constaté. L’un consume le corps, l’autre le congèle et le brise. Les deux opposés brisent la jugulation de la société, à savoir que le corps a nécessairement besoin de chaleur, car la chaleur s’apparente aux mouvements, le froid à un ralentissement de l’être. Le mouvement est une condition d’existence de la Société. Mais le mouvement ne doit pas se faire acharné, sauf à occasionner sa crise cardiaque. C’est ainsi que le corps s’équilibre par basculements de température entre les pensées en conflit, restant jugulés par le doublon des conditions d’existence société-individu, en somme, par le Droit.

Chaque différence thermique est cependant contrebalancée par une opposée exacte (plus le corporel est “chaud”, plus la pensée est “froide”), ce qui fournit un équilibre. C’est l’importance de chaleureuses passions et superstitions politiques qui nourrît la raideur et les structures glaciales du “gouvernement scientifique”, de l’Etat planificateur. Dans le domaine de l’Etat ainsi, moins il y a de passion, moins il y a de “scientificité” ou scientisme. On pourrait prendre en exemple le gouvernement post-révolutionnaire en France, froid, constructiviste et jacobin, porté par l’ébulition révolutionnaire. Il s’y passe la même chose que dans la société. Moins il bouge, plus il se meurt : ainsi, plus l’écart entre la force des passions et le scientisme d’Etat est réduit, plus on se rapproche d’un Optimum de liberté, si bien que la mort de la superstition politique appelle à la mort de l’Etat. Hayek expliquait que la Raison était quelque chose d’indispensable, fondait sur les Traditions, un cheminement et un balancement indispensable, puisque une société en bonne santé dépend tout autant de l’usage de la raison et le développement de la technique que de ses passions morale. Ainsi, une société conservatrice n’est pas une société qui ne progresse pas, mais c’est une société qui garde des fondements qu’elle sait nécessaires au changement, et voilà tout le paradoxe. La société conservatrice est une société qui est jugulée, les balancements de température sont minimisés mais existants car nécessaires. C’est là la différence, que tout le monde se borne à ne point voir, et qui fait la différence entre le réactionnaire et le conservateur. Le conservateur jugule le froid, le réactionnaire brise la température et les balancements. Il n’y a plus d’équilibre, il n’y a que le zéro absolu, il n’y a qu’un corps craquelé. Encore que le réactionnaire peut avoir raison quelques fois, car bien souvent, il est nécessaire de déterrer quelques vérités oubliées.

La supersition privée, de la société, peut contrebalancer la supersition politique. Ce que nous appellions auparavant cette superstition politique qu’est le “droit divin des rois”, était contrebalancée par le droit divin de renverser la “Bête”, le monarque omnipotent et absolutiste, le droit de résistance à l’oppression défendue par Saint-Thomas d’Aquin et les monarchomaques (rappelons que l’Ecole de Salamanque, en Espagne, fut un des lieux où la science économique a le plus progressé), par John Locke. La croyance dans le droit divin des Rois était contrebalancée par la croyance en Dieu lui-même. Et si la superstition du “droit divin des parlements” (cf Herbert Spencer) est si grande aujourd’hui, c’est car, rien dans la société ne limite cette superstition. Bien au contraire, la superstition des Parlements est accompagnée du mythe de l’intérêt général. Tout dans notre époque est sous le joug de la religion démocratique et de ses nombreuses sectes, et la chaleur de celle-ci est uniquement démocratique, l’ébulition n’est que démocratique, le froid n’est qu’étatique.

Le grand gagnant de la combinaison chaud/froid de notre époque, c’est le pouvoir. Les corps intermédiaires dépérissent, lorsqu’ils ne sont pas déjà détruits. Les individus, qu’on n’a voulu libérer de tout « conditionnement », n’ont jamais été autant en servitude qu’en ce jour, sous des aspects bien moins flagrants et offensants qu’auparavant.

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