Billet – Le putsch d’Erdogan.

Par Titou, 

Voilà nos cerveaux remis de leur dose d’adrénaline, voilà, nos cœurs apaisés du sentiment d’être passé à côté d’un jour historique en Turquie, pour tenter une petite analyse de ce qui c’est passé dans la nuit du 15 au 16 juillet, où nous avons assisté en direct sur les réseaux sociaux à l’écriture d’une nouvelle page de l’histoire mouvementée de ce pays.

Rappel des faits pour ceux qui auraient passé la nuit sur BFM TV à regarder un énième débat entre spécialistes du terrorisme et du monde arabo-musulman à nous expliquer tous les bienfaits d’une nouvelle loi liberticide post-attentat, et qui prônent surtout, la seule chose en quoi ils sont experts, l’immobilisme.

Les premières informations arrivent sur Twitter par les locaux à Ankara. Les premiers militaires bloquent les ponts qui enjambant le Bosphore. Quelques minutes après, les premiers chars bloquent l’aéroport, la télé nationale est prise d’assaut et, en même temps que les putschistes annoncent le renversement du pouvoir, on apprend que l’état-major est mis aux arrêts et que les premiers chars roulent dans la ville. 1 heure montre en main, l’affaire est pliée. On pourrait croire que c’est fini, mais là télé diffuse une vidéo surréaliste d’Erdogan qui fait un discours sur FaceTime pour demander au peuple de descendre dans la rue pour sauver la démocratie, « qu’ils n’aient pas peur de protéger la démocratie ». Une poignée de minutes après, les premiers chars sont pris d’assaut par la foule, à l’appel des muezzins à sortir au nom d’Allah et du Coran, la foule se fait marée, les militaires sont délogés de l’aéroport, le parlement est défendu et la police procède aux premières arrestations. Fin du putsch. Joie et allégresse dans les rues et sur les réseaux sociaux, le peuple a choisi et à lutter contre le coup d’état militaire kémaliste. Tout s’est fait dans une vitesse incroyable, un cafouillage à y perdre tous les experts de l’OTAN.

 

Calmons-nous et replaçons tout ça tranquillement. Voyons les protagonistes de ce coup d’état.

 

Une partie de l’armée qui a orchestré le putsch a revendiqué vouloir réinstaurer les principes de la politique de Atatürk (1er président de la République après la chute de l’empire Ottoman), le kémaliste. Pour faire simple, les kémalistes sont des nationalistes laïques, c’est pour ça qu’en Turquie l’armée a un statut particulier, elle est garante de la laïcité. Leurs revendications sont simples, en finir avec le régime politique et religieux instauré par Erdogan. Du coup, on comprend plus facilement l’intervention des religieux dans la contre-attaque. De là, commence à se poser de savoir qui a commandité et commandé ce putsch mou, tous les opposants ont démenti leur implication. L’armée a-t-elle agit d’elle-même ?

Putsch mou, car il y a quelque chose d’étrange et troublante dans le déroulement des évènements et des questions se posent. Pourquoi l’armée n’a-t-elle pas trouvé plus d’appuis de la part des civils ? Peu de sang versée (tant mieux), pas de résistance aux opposants, des arrestations rapides par les policiers et un demi-tour sans combattre. Étonnant pour des gens qui se sont battus pour la liberté et la démocratie en Turquie. Ce Putsch sent l’organisation à la va vite et l’amateurisme.

La question est : qui a le plus à gagner dans ce coup d’état et surtout qui a le plus a y gagner dans ce putsch raté ?

Dans ma petite tête, je tourne et retourne tout et à par Poutine et Erdogan lui-même, je ne vois pas grand monde. Poutine cherche à déstabiliser le régime turc depuis longtemps, mais la faiblesse de l’action me laisse à penser que tonton Vladi est surtout spectateur. Par contre Erdogan qui se dit descendant de l’empire Ottoman, veut effectuer quelques petits changements dans la constitution pour asseoir son pouvoir un peu plus, mais se heurte, à l’armée. L’occasion est belle pour manipuler le monde, la démocratie turque est en danger, la réaction va être d’envergure et justifiée.

Quelques heures à peine après le coup d’état, 1500 militaires sont arrêtés, certains lynchés par la foule, 2500 juges sont écartés et une dizaine de responsables militaires sont emprisonnés. Erdogan va vite, très vite, trop vite. Tout sonne faux, mais Recep a l’occasion de montrer au monde qu’il n’est pas un pantin. Objectif montrer sa force. D’un côté montrer à l’UE, qui voudrait intégrer la Turquie au marché, qu’il tient le pays et que la démocratie existe et qu’elle est défendue avec ferveur, il se fait garant de la paix et que l’Europe n’a rien à craindre et, de l’autre côté, il montre à Poutine que ses tentatives de déstabilisation du pays ne fonctionnent pas et que quoi qu’il arrive le peuple turc est un peuple uni et soudé autour du leader qu’il est.

Dans ce coup d’état, Erdogan est le grand gagnant des évènements, il a toute légitimité pour agir et renforcer son pouvoir. Les turcs se réjouissent d’avoir sauver la démocratie, les réseaux sociaux s’enflamment mais, ne voient pas que le pays prend la pente vers l’autoritarisme et la privation de liberté. La Turquie prend le chemin du parti unique et du leader tout puissant.  La démocratie turque va prendre un sérieux coup dans l’aile.  L’obscurantisme approche à grand pas et le peuple a donné son accord à un homme aux pouvoirs trop grands, appuyé par des religieux radicaux. Une ombre plane sur la Turquie et sur l’ancien monde.

Les institutions ont des questions à se poser et des remises en cause à faire et notamment, celle de l’adhésion de la Turquie à l’Europe. La victoire de Erdogan est aussi relative que l’unité affichée, chacun guette sa chute. Qui mènera la prochaine révolution Turque ? Quoi qu’il arrive la Turquie est une bombe à retardement qu’il faut surveiller de très prêt.

 

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