Par Chuck Noel,
Turquie, nuit du 16 juillet 2016, bâtiments officiels capturés (Parlement, locaux de la Chaine publique national etc.) par ce qui semble être le résultat d’un putsch militaire très courant dans un pays qui a connu longtemps les juntes militaires. La tentative de coup d’État fut un échec les loyalistes du Président turc du parti AKP d’Erdogan ont repris le contrôle dans la matinée des places fortes occupés par les mutins. Après une nuit d’incertitude et une conférence « FaceTime » du Président turc. On ne dénombre pas moins de 100 morts ainsi que plus de 1500 arrestations parmi les putschistes.
On ne se prononcera pas précisément dessus. Aucun média n’est encore, à l’heure où est écrit cet article à chaud, capable de dire avec certitude qui a fait quoi. Qui a essayé ou non de prendre pouvoir. Ce qu’on sait, c’est que les « putschistes » revendiquaient à la télévision, vouloir rétablir « l’ordre constitutionnel turc » et la « Démocratie » dans un pays qui voit l’islamisme progresser notamment avec son président.
Essayons malgré tout de décrypter la situation, nous n’avons pas d’avis clair sur la chose, ne connaissant pas le dossier dans le détail. Nous allons tout même essayer de présenter un bilan coût-avantage d’un coup d’État ou du maintien d’Erdogan au pouvoir.
Un Coup d’État n’est pas forcément un signal positif pour un pays aux portes de l’Europe et surtout en conflit larvé avec la Russie qui ne rôde pas très loin, notamment pour le contrôle du Bosphore et son accès à la mer Méditerranée, sans compter les accrochages diplomatiques répétés entre les deux pays. Notamment sur la question syrienne. L’instabilité d’une Turquie probablement plongée dans la guerre civile, le pays étant divisé en deux factions : une faction loyaliste et islamisée ne formant qu’un bloc uni et une faction laïque et totalement divisée dont font partis les Kurdes et arméniens. Cette situation chaotique ferait frémir de joie les pays alentours et l’État islamiste qui profiterait de cette aubaine pour rendre une petite visite plus massive sur le vieux Continent.
Même l’échec de ce coup d’État ne reste pas sans conséquence pour la Turquie et la région voir même pour l’Europe. En effet, il ne fait qu’ouvrir qu’une opportunité au président islamiste Érdogan celle d’asseoir son autorité et pourquoi pas demander les pleins pouvoirs dans les jours qui viennent, dans le droit chemin du Califat Ottoman dont Erdogan se revendique l’héritier. La transformation de Sainte-Sophie d’Istanbul en mosquée en est le symbole.
On peut signaler, la précipitation des réactions des États occidentaux qui se sont quasiment toutes tournées en faveur du président islamiste. Dont on sait les relations floues qu’il entretient avec l’état islamiste et le traitement qu’il inflige aux Kurdes et Arméniens (en refusant de reconnaître le génocide). Ici, les dirigeants occidentaux ont peut-être commis une erreur, notamment si le putsch était un authentique putsch laïc suivi d’une véritable transition démocratique. En effet, le doute d’une légitimité d’Erdogan par les urnes reste douteuse.
Les putschistes qui ils sont ? On sait peu de choses à l’heure où est écrit ce billet. Comme nous le disions plus haut, les putschistes se revendiquaient comme vouloirs rétablir la Démocratie. D’après les premières informations, il s’agirait de moyens gradés, qui seraient kémalistes, c’est à dire de l’héritage laïc prôné par Atatürk lors de la création de la Turquie moderne. Ces putschistes se seraient inquiétés de la montée de l’islamisme en Turquie. Un pays qui, pour rappel, est candidat pour l’adhésion à l’Union Européenne.
Ces militaires ont été vite mis en échec du fait de l’appel d’Erdogan sur « FaceTime » mais aussi par les appels (à vérifier toutefois) des fidèles par les mosquées des zones touchées par la tentative de putsch. Une foule compacte arborant drapeaux turcs s’est très vite opposée aux militaires aux cris « d’Allah Akbar » (À vérifier une nouvelle fois). Ce qui renforce l’image qu’on a décrit d’une Turquie de plus en plus religieuse, que j’ai décrite plus haut, délaissant encore davantage l’héritage d’Atatürk. La Turquie dernier bastion du laïcisme au Proche-Orient semble suivre le cap de son voisin Iranien. Sans oublier qu’il faille noter que la Turquie est la plus grande puissance économique du Proche-Orient, pendant que ses grandes métropole telles Istanbul et Ankara sont des villes très riches (pratiquement identiques à des villes européennes), cela parait surprenant de voir toute cette ferveur autour d’Erdogan. Les habitants de ces villes, habitués aux standards occidentaux ne devraient pas regarder Erdogan d’un bon oeil, ne souhaitant pas un rétrogradation du niveau de vie par l’islamisme
De l’autre côté, il ne faut pas non plus oublier la puissance de l’armée qui fait partie du patrimoine de la Turquie et ce déjà bien avant l’avènement de cette Nation. Cette force opérationnelle de l’OTAN représente plus d’un million d’hommes et est la première force du pays. Bien que les putschistes voulaient a priori une transition démocratique, l’ombre du coup d’État et du putsch quel que soit le régime politique de la Turquie plane. En effet, un autoritarisme militaire n’est pas non plus à exclure, nous l’avons vu en Égypte. La situation turque est en réalité bien plus délicate que sur le papier. Entre junte militaire, certes laïque, et théocratie ce pays n’est pas prêt de trouvé la voie de la Raison.
Mise à jour dimanche 17 juillet 2016 :
Aussitôt de retour, le président Erdogan a frappé fort, c’est près de 2745 juges dans tout le pays qui ont été démis de leurs fonction, dont un juge de la Cour constitutionnel, qui lui, a été placé en rétention. Une immixtion grave dans le « Pouvoir judiciaire » pour un État membre du Conseil de l’Europe et partie à la Convention Européenne des droits de l’Homme. Certains parlent désormais du début du « véritable coup d’État » qui serait depuis le début monté de toutes pièces par le Président Turc. Ce n’est sans compter la véritable « chasse aux sorcières » qui s’est mise en place dans tout le pays. Militaires putschistes lynchés, humiliés voir tués par la foule pro-Érdogan. Cet État de droit s’est également rassuré, en accusant Fethullah Gülen opposant exilé aux Etats-Unis. Les pièces semblent être en place, une personnalité charismatique, des boucs émissaires, une religiosité accrue. Sur le plan international on peut même signaler le rapport de force de la Turquie sur la question des migrants, notamment avec l’accord conclu avec l’Union Européenne en mars 2016.
Les prochaines semaines risquent d’être un tournant majeure pour la « première Démocratie du Proche et Moyen Orient » qui se situe aux portes de l’Europe.
PS : (Un petit merci à Akula pour ses quelques petites précisions qui nous ont bien aidé à la rédaction de ce billet).