Dossier : Locke le père du Libéralisme politique. (Partie 2/2)

Par Chuck Noel,

Après une première partie consacrée principalement au « Contrat social » de John Locke. Aujourd’hui nous allons nous consacrer sur l’autre pan de sa pensée : la Propriété. John Locke a marqué les âges, considéré comme en avance sur son temps, il n’a fait que redécouvrir ce qui existait déjà chez l’Individu. Beaucoup aujourd’hui se revendiquent de son héritage mais semblent avoir mal perçus, pour la majorité, son message.

.La propriété.

On ne pas finir d’évoquer Locke sans parler de sa conception de la Propriété qui se détache quelque peu de ses penseurs contemporains, qui voyaient comme seul détenteur de l’abusus du droit de propriété dans son Royaume : le Souverain. Il pouvait aliéner à sa guise la propriété du Royaume, la propriété des particuliers. Sans compter la conception féodale de la Propriété qui se conçoit également comme un mille feuilles avec au sommet toujours le souverain avec son droit d’abusus (S’il en avait la force). Plus tard Rousseau concevra la propriété comme étant la corruption originaire des hommes, car elle aurait été spoliée par certains qui se seraient érigés en Prince. Rousseau est contre le droit de propriété individuelle c’est à dire la Propriété Libre, même s’il conçoit la possibilité qu’il existe des propriétaires égalitaires, bien entendu surveillées de très près par l’État, arbitre et non protecteur du droit de propriété. On s’éloigne de notre propos.

Cette accroche nous a semblé nécessaire pour démontrer que Locke est un des premiers à concevoir une propriété privée pleine et entière, dès lors qu’elle a été acquise régulièrement selon les prescriptions du droit naturel, c’est à dire sans violence, ou quelconque droit de spoliation.

1 La formation de la propriété selon Locke

Tout d’abord, Locke dégage une propriété originaire, une propriété qui va de soit qui est la propriété de SOI ! En effet on doit pouvoir, tout d’abord, pouvoir disposer de SOI, avant de s’approprier quoique ce soit, même s’il pose néanmoins une limite sur la question du suicide, ou de la mutilation volontaire qui est contraire, selon lui, au droit naturel car puisqu’en se portant atteinte on porte indirectement atteinte à autrui, sachant que la conservation de soi va de paire avec la conservation d’autrui dans un but de conservation du Genre Humain.

Puis la propriété, selon Locke, peut se former dans l’état de nature, la conception de Locke est bien particulière : la propriété s’acquiert par appropriation d’une chose sans maître « res nullus ». Cette chose, qui peut être un bien meuble, (de la nourriture), un bien immeuble (un lopin de terre), à condition que l’appropriation est nécessaire à garantir sa conservation. La propriété c’est avant tout la Conservation de soi.

Toutefois, Locke y voit une limite dont ce que plus tard on appellera « le proviso Lockéen », (Terme inventé par Robert Nozick) on ne peut être propriété de ce qu’on a exclusivement besoin à sa conservation. Rien n’interdit la diversification des activités de la propriété dès lors qu’elle n’empiète pas sur les droits d’autrui à se conserver.

2. Une conception assez floue

Locke reste assez flou néanmoins sur l’appropriation après le « contrat social », car l’appropriation qu’il décrit semble cantonnée dans l’état de nature, il n’envisage que vaguement la circulation monétaire et le commerce. Mais une chose est sûr le Gouvernement civile et politique doivent s’ériger comme garant de la propriété privée.

De plus la propriété ne doit dans le même temps aliéné la Liberté de l’individu de quitter le contrat social, c’est à dire de changer de pays, la propriété n’attache en aucun cas l’individu comme un serf. Notamment se pose la question de la dévolution successorale, qui ne peut imposer à un individu de rester dans l’état considéré, sauf à l’y inviter.

Néanmoins une chose est sûr la propriété est légitimée par le travail comme l’explique Locke expressément : « Le travail de son corps et l’ouvrage de ses mains, nous pouvons dire qu’ils lui appartiennent en propre. Tout ce qu’il tire de l’état où la nature l’avait mis, il y a mêlé son travail et ajouté quelque chose qui lui est propre, ce qui en fait par là même sa propriété. Comme elle a été tirée de la situation commune où la nature l’avait placé, elle a du fait de ce travail quelque chose qui exclut le Droit des autres hommes. En effet, ce travail étant la propriété indiscutable de celui qui l’a exécuté, nul autre que lui ne peut avoir de Droit sur ce qui lui est associé. » : La propriété se constituerait avec un élément « travail ». Autrement dit on pourrait accumuler des propriétés au delà de la stricte nécessité à condition que cette accumulation résulte du travail et que le surplus face l’objet d’un commerce avec autrui.

Si la conception de la Propriété selon Locke a quelque équivoque elle marque néanmoins une révolution, le particulier peut être propriétaire « plein et entier » comme l’est le prince pour son domaine, dont- d’ailleurs- il n’a aucun droit sur la propriété de ce particulier. C’est qui donnera à l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, « le caractère inviolable et sacré » de la propriété.

. Quel héritage ?

1–Un héritage affirmé

On peut le dire, Locke semble être le père du libéralisme politique, son héritage se retrouve partout ! Et ce dès le Bill of Right anglais de 1689, qui débute par les raisons de la rupture du contrat social avec le Roi Jacques II, qui a manqué à son rôle de garant des Droits et Libertés naturels par exemple

« En poursuivant en justice devant la Cour du banc du roi et par d’autres moyens arbitraires et illégaux des affaires et litiges qui relevaient de la juridiction exclusive du Parlement. »

L’Esprit des Lois de Montesquieu en 1748 a été l’aboutissement de la pensée Lockéenne. La Constitution américaine reprend cette idée. Mais surtout John Locke aura une influence incontestable dans la rédaction de Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ! Ce n’est pas pour rien que le traité sur le gouvernement civil a été traduit et publié pour la première fois en France en 1790.

C’est de là vraiment que les hommes ont pu redécouvrir ce qu’ils sont ! L’État de droit est aujourd’hui la norme dans les pays occidentaux même s’il s’agit d’une prétention. Locke plus de 300 ans après n’a pas fini de faire parler de lui. Malgré-parfois -leurs certaines rigidités les percepts Lockéens ont permis de retrouver le juste équilibre entre pouvoir et citoyens puisque ce pouvoir dépend de ces citoyens égaux en droit !

L’esprit Lockéen fut également l’influence, voir maître à penser d’un bon nombre des tenants du Minarchisme et du Libertarianisme du XXème siècle. On peut citer Buchanan ou encore Mises, en passant par l’incontournable Ayn Rand.

2 –Un héritage en réalité peu concrétisé dans les faits : des États de droit seulement proclamés.

Aujourd’hui, si quasiment tous les États occidentaux se revendiquent être des États de droit, selon la conception Lockéenne – à savoir des États au pouvoir politique limité et garants des droits et Libertés des individus, qui ont consenti d’obéir aux lois (sens large) qu’à cette condition sine qua non – la réalité semble malheureusement loin de l’idéal de John Locke. Un exemple –facile, certes – l’état d’urgence qui dure depuis le 14 novembre 2015 qui offre des prérogatives exorbitantes au droit commun au Pouvoir exécutif. Bien qu’officiellement cela semble correspondre à la « Prérogative » Lockéenne, un pouvoir Exécutif ponctuellement « fort » sous le contrôle continu d’un pouvoir législatif diligent. Ainsi, le pouvoir Exécutif prend la main mise et pérennise son exorbitance notamment du fait du mode des scrutins, des modalités de fonctionnement des majorités parlementaires, aussi de l’absence de renouvellement d’une classe politique mais surtout par les modalités offertes par la Constitution !

L’État de droit semble ainsi déclaré mais jamais concrétisé. L’État de droit ne se résume pas à l’existence d’une Constitution. Si Locke parle, en effet, d’une Constitution nécessaire elle doit contenir les prérogatives nécessaires à la garantie des individus, une Constitution qui permet aux citoyens de pouvoir renouveler et s’assurer, selon la conception Alienne (NDRL. Du Philosophe Alain), s’assurer d’un contrôle continu de ses élus locaux, qui eux mêmes assurent un contrôle des élus nationaux et des bureaucrates.

Si on se revendique de Locke, on ne l’applique finalement que très peu.

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