Commentaire – La validation d’une extension de l’objet de l’état d’urgence par le Conseil constitutionnel

Par Chuck Noel, 

(QPC n°2015-527 du 22 décembre 2015)

 13 novembre 2015 les attentats de Paris, font plus de 130 morts. Le lendemain, le Gouvernement annonce l’état d’urgence pour « péril imminent » pour motif la « lutte contre le terrorisme » pour une durée initiale de 12 jours et sur tout le territoire de la République. Du jamais vu depuis la guerre d’Algérie. L’état d’urgence a été définit par une loi ordinaire du 3 avril 1955 qui prévoit toute une série de dérogations au droit commun. Cette loi, antérieure à 1958, n’avait jamais fait l’objet de contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel institué la même année.

Parmi les dérogations au droit commun l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée le 20 novembre 2015 prévoyait que le Ministre de l’Intérieur puisse enjoindre des assignations à résidence administratives dérogatoires au droit commun.

C’est sur ce fondement et dans ce contexte d’état d’urgence que la QPC intervient, en effet, 7 militants écologistes avaient été assignés à résidence entre le 25 novembre et 12 décembre 2015, par un arrêté du ministre de l’Intérieur sur le fondement de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955. Cette période d’assignation correspondait à la tenue de la conférence internationale « COP 21 » qui se déroulait dans ce contexte particulier. Le ministre de l’Intérieur justifiait ces assignations au motif que ces militants constituaient une « menace pour l’ordre public ».

Les 7 militants ont donc fait une requête en référé-Liberté sur le fondement de l’article L521-2 du Code de justice administrative devant le Tribunal administratif. 6 requêtes seront rejetées pour défaut d’urgence et une dernière sera rejetée par une ordonnance du Tribunal administratif de Melun du 3 décembre 2015 pour « absence d’une atteinte manifestement illégale à une Liberté fondamentale ». Les 6 premier requérants vont alors se pourvoi en cassation devant le Conseil d ‘État. Le dernier quant à lui requérant interjettera appel de la décision de rejet et l’accompagnera d’une demande de transmission de QPC devant le Conseil D’État. La Ligue des droits de l’Homme se joindra à la procédure et sera recevable. Ainsi, dans sa décision de renvoi du 11 décembre 2015 (req n°394991) le Conseil d’État retiendra le caractère sérieux de la QPC mais déboutera les requérant en appel sur le fond du référé-liberté bien qu’il reconnaisse l’existence d’un contrôle de proportionnalité et d’une présomption d’urgence à l’égard des référés contre les mesures administratives. Le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC du 22 décembre 2015 déclarera conforme l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée le 20 novembre 2015 à la Constitution.

Le requérant (et indirectement les autres) contestait la constitutionnalité de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 permettant au ministre de l’Intérieur par arrêté de prendre des mesures d’assignation administrative résidence. Ces mesures consistaient à un pointage 3 fois par jour au commissariat, impliquait une interdiction de sortie du domicile d’assignation entre 20h et 6h et imposait en dehors de ces heures l’interdiction de sortie du périmètre de la Commune de la résidence d’assignation. Ce qui entrainait, selon le requérant, des atteintes à la Liberté d’aller et venir, de réunion et d’association consacrées aux articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ; à son droit de mener une vie de famille normale et au respect de sa vie privée, reconnues par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et l’absence dans le processus de la loi contestée du juge judiciaire « gardien de la Liberté individuelle » consacré à l’article 66 de la Constitution, ainsi que tout ce qui est relatif au respect du principe du contradictoire et au droit à un procès équitable. Il invoquait également le manque de précisions de la loi du 3 avril 1955 et de sa modification du 20 novembre 2015 notamment en ce qu’elle permettait de prendre des mesures d’assignation à résidence « sans lien avec le motif de déclaration de l’état d’urgence », ce qui allait à l’encontre des compétences dévolues au législateur par l’article 34 de la Constitution.

La difficulté pour le Conseil constitutionnel comme pour le Conseil d’État avant lui était de savoir si l’Administration pouvait porter atteinte aux droits et libertés invoqués par le requérant pour des motifs « d’ordre et de sécurité public » en dehors de tout lien avec la déclaration de l’État d’urgence ? Si oui, dans quelles conditions ? et dans quelles limites ?

Le Conseil constitutionnel validera toutes les dispositions invoquées sans soulever d’office aucun moyen. Il retiendra, d’une part, le rôle du juge administratif de l’excès de pouvoir, d’ailleurs rappelé dans la décision de renvoi par le Conseil d’État, par son contrôle de proportionnalité entre Liberté fondamentale et prévention de troubles à la sécurité et l’ordre public, en écartant toute atteinte au droits et libertés constitutionnellement garantis par l’article 6 de la loi du 3 avril 1955. L’existence de ce contrôle est appuyée par l’idée de nécessité fonctionnelle, ce qui permet de justifier l’imprécision de la loi contestée autrement dit le Conseil permet sous l’œil avisé du juge administratif, de prendre des mesures administratives même en dehors du motif de déclaration de l’état d’urgence. Cette idée a été reconnue dans la décision de renvoi. Il s’est également prononcée sur la nature juridique des assignations à résidence administratives.

La Haute juridiction à cette conformité de la loi du 3 avril 1955 modifiée le 20 novembre 2015 va reconnaître une compétence étendue du législateur dans la définition de ce régime d’exception, (I) tout en lui permettant de donner pleine force à l’action de l’Administration au détriment, néanmoins, de certaines garanties minimales à maintenir dans un état d’urgence. (II)

I – La compétence étendue du législateur dans la définition du régime de l’état d’urgence reconnue par le Conseil constitutionnel.

L’assignation à résidence administrative pris sous le régime de l’état d’urgence était contestée en ce qu’elle portait atteinte aux droits et libertés du requérant, les sages écarteront les attentats aux droits et libertés en qualifiant l’assignation (A), tout en laissant une grande marge de manœuvre au législateur pour définir le régime de l’état d’urgence. (B)

A –La nature de l’assignation à résidence administrative : une qualification équivoque.

En temps ordinaire l’assignation à résidence ou la mise en résidence surveillée est une peine judiciaire prononcée par le juge d’instruction ou le juge des libertés et des détentions lorsqu’une personne mise en examen risque une peine d’emprisonnement. Celle-ci est définie par l’article L142-6 du Code de procédure pénale.

Or, en l’espèce nous ne sommes pas en temps ordinaire, mais sous l’empire d’un état d’urgence qui a été proclamé le 14 novembre 2015 pour menace terroriste. L’état d’urgence se définirait comme l’émanation d’un État d’exception, par opposition à un État de droit, où en raison d’une menace, d’un péril imminent contre les intérêts fondamentaux de la nation, justifierait la mise en place d’un régime dérogatoire au droit commun pendant une durée déterminée. L’État de droit qui est le règne de la limitation du pouvoir et de la garantie des droits et libertés est suspendu.

En effet, l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée par la loi du 20 novembre 2015 prévoit que le ministre de l’Intérieur, sans l’aval du juge judiciaire, puisse prendre directement des mesures d’assignations à résidence administratives lorsqu’il existe pour la personne visée « des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ».

En l’espèce, les requérants contestaient le fait que l’assignation à résidence n’était pas placée sous le contrôle du juge judiciaire conformément à l’article 66 de la Constitution. Pour cela, le Conseil constitutionnel a rappelé que dès lors l’atteinte aux Libertés était « adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis » autrement dit aux objectifs visés par l’état d’urgence à savoir la lutte contre les actions terroristes. Les sages ont dès lors opéré à un contrôle de la nécessité de la rigueur c’est à dire de savoir si cette assignation à résidence administrative pendant toute la durée de la COP 21 était nécessaire et donc pouvait dispenser l’action du juge judiciaire ?

Ils répondront par la positive en affirmant que le ministre de l’Intérieur pouvait prendre des mesures de cette nature lorsque comportement de la personne laissait penser pour des raisons sérieuses qu’elle constituait une menace pour l’ordre et la sécurité public. On était pourtant habitué à voir un Conseil constitutionnel apprécier assez sévèrement la nécessité de la rigueur dans d’autres circonstances, par exemple pour la garde de 96h pour les personnes soupçonnées d’escroquerie en bande organisée (QPC 21 novembre 2014, Nadam B).

Les juges constitutionnels vont même plus loin dans le développement, si la rigueur était nécessaire et pouvait justifier la mise à l’écart du juge judiciaire, ainsi de l’article 66 de la Constitution, il va qualifier l’assignation à résidence prise dans le cadre de l’état d’urgence comme une décision administrative de police administrative autrement dit de police préventive alors même que la personne visée ne fait l’objet d’aucune procédure en court. (Voir infra II B) Décision administrative qui n’est pas une mesure privative de Liberté, pour le Conseil, quand on sait que la personne doit pointer 3 fois par jours au commissariat et est cantonné chez elle de 20h à 6h. Drôle de qualification. D’autant plus que cette rigueur justifiée par le Conseil constitutionnel n’a aucun lien avec le motif de déclaration de l’état d’urgence, à savoir la lutte contre l’action terroriste.

Si la mesure d’assignation à résidence administrative n’est pas restrictive de liberté contrairement à ce qu’elle peut être en temps ordinaire, c’est sans difficultés que le juge constitutionnel va écarter les atteintes de la l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 à la liberté d’aller et venir consacrée aux articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, de réunion, d’association, mais aussi au droit de mener une vie de famille normale et au respect à la vie privée. Laissant une certaine plénitude au législateur et à l’Administration.

B – L’absence d’incompétence négative du législateur : une liberté législative justifiée pour définir un état d’urgence.

L’incompétence négative est définie par Laferrière comme « le fait, pour l’autorité compétente, de n’avoir pas utilisé pleinement les pouvoirs que les textes lui ont attribués ». En l’espèce, les requérants invoquent cette hypothèse sur le fondement de l’article 34 de la Constitution puisqu’ils considèrent que le législateur lors de la rédaction de la loi du 3 avril 1955 et sa modification du 22 novembre 2015 est resté imprécis et à laisser une marge de manœuvre trop grande à l’Administration. Notamment en ce qu’elle pouvait intervenir dans des cas sans lien avec le motif de la déclaration de l’état d’urgence : le contre-terrorisme.

L’incompétence négative peut être invoquée par les requérant dès lors que « la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit » Cette formule a été utilisée pour la première fois lors de la QPC du 17 février 2012 « Ordre des avocats du barreau de Bastia ».

Si cela pouvait être justifiable, le Conseil constitutionnel ne va pas retenir l’incompétence négative, en effet tout en reconnaissant la possibilité pour le législateur de prévoir un tel régime d’état d’urgence, faute de disposition constitutionnelle contraire, il va rappelé le rôle du législateur à « assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République » autrement dit lorsqu’il légifère sur le régime d’état d’urgence le législateur doit mettre en balance nécessité d’ordre public et droits et libertés des individus. Ce qui donne une certaine latitude dans ce cas au législateur. Le Conseil constitutionnel va opérer seulement à un contrôle de proportionnalité pour s’assurer que cette pesée des intérêts a été bien cernée par le législateur.

Les requérants arguaient que l’imprécision du législateur notamment, en permettant à l’Administration d’intervenir largement, portait atteinte à leurs libertés fondamentales. Le Conseil écartera en retenant l’absence d’incompétence négative l’atteinte faite aux libertés dès lors que ces mesures administratives sont prises dans des circonstances ou pour la personne visée « il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ».

Cette prise de position tend à renforcer la légitimité des mesures administratives, entrainant par là un amoindrissement de la garantie des libertés et droits des citoyens. En effet, le Conseil constitutionnel suit le raisonnement du Conseil d’État dans sa décision de renvoi du 11 décembre 2015 sur le rôle du juge administratif dans l’état d’urgence, en effet celui-ci reconnaît l’idée d’une nécessité fonctionnelle. On se sert du régime de l’état d’urgence pour pallier de la carence des forces de l’ordre sur d’autres fronts notamment celui de la COP 21 à l’origine de l’assignation à résidence litigieuse.

Mais l’état d’urgence n’est pas un État d’absence de droits mais un État d’insuffisance de droit pour reprendre les termes de l’avocat de la LDH, ce qui signifie qu’il doit y avoir une garantie minimale des droits et Libertés. Le Conseil constitutionnel semble l’envisage au travers du rôle du juge administratif.

II – La conformité de la loi du 3 avril 1995 : La légitimité de la plénitude administrative sous le régime de l’état d’urgence renforcée.

Le Conseil constitutionnel va confirmer l’existence d’un contrôle juridictionnel propre au juge administratif dans des circonstances d’état d’urgence (A), néanmoins il semble négliger l’aspect procédural de ces contrôles ainsi reconnus. (B)

A –La confirmation d’un contrôle juridictionnel des mesures administratives prises sous le régime de l’état d’urgence.

Les sages, en écartant les libertés d’aller et venir, de réunion et de manifestation consacrées aux articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, vont nuancer si le législateur peut être imprécis il n’en reste pas moins que le fait de l’Administration est contrôlé étroitement par le juge administratif. Le juge constitutionnel va reconnaître un véritable pouvoir de contrôle des éventuelles atteintes qui seraient faites par l’Administration dans le cadre de l’État d’urgence : « Le juge administratif est chargé de s’assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit ». Autrement dit le juge des référés administratif se voit reconnaître un contrôle de proportionnalité des mesures administratives prises dans le cadre de l’état d’urgence, le même que celui effectué par le Conseil constitutionnel au niveau de la loi.

C’est redonner un rôle plus important au juge administratif dans le cadre du référé-liberté mis en place par la loi du 30 juin 2000 et codifié à l’article L521-1 du Code de justice administrative. Le Conseil d’État lors de sa décision de renvoi du 11 décembre 2015 avait rappelé son rôle de gardien des Libertés fondamentales en contrôlant le bien fondé de l’atteinte aux libertés fondamentales dans le cadre du référé-liberté et en transmettant la QPC au Conseil constitutionnel.

Ce rôle renforcé du juge administratif qu’il s’était lui même conféré depuis une ordonnance en référé du Conseil d’état du 16 juin 2010 « Assetou Diakité ». Les sages ne font que confirmer celui-ci en confortant ce rôle du juge des référés libertés fondamentales, pour contrôler l’action de l’Administration et plus particulièrement sous l’empire du régime de l’état d’urgence. Ce qui a pour conséquence de mettre de côté le juge judiciaire pourtant expressément évoqué à l’article 66 de la Constitution.

Concrètement ce renforcement du contrôle, le Conseil d’État avait dégagé dans sa décision de renvoi une présomption d’urgence dans le cadre d’un référé concernant un acte administratif pris sous l’empire de l’état d’urgence et avait effectué un contrôle de proportionnalité des mesures d’assignation à résidence, confirmé par le Conseil constitutionnel, de plus ce contrôle était couplé avec une analyse factuelle de la situation en cause, également confirmée par les sages. Ainsi ce contrôle de proportionnalité qui n’est pas un simple contrôle de l’erreur manifeste de l’appréciation permet aux décisions administratives prises sous l’empire de l’état d’urgence d’être appréciées « sous l’entier contrôle du Juge de l’excès de pouvoir ». Conformément à la mission qui lui a été confiée par le législateur.

Pour les sages le Conseil d’État s’était suffisamment expliquer pour lui donner le feu vert à un tel contrôle. Le juge administratif pouvait écarter l’atteinte manifestement illégale aux droits et libertés invoqués par les requérants de la part du ministre de l’Intérieur.

Néanmoins, ce contrôle reste avant tout un contrôle d’opportunité et de nécessité du Conseil d’État entre deux intérêts contradictoires les libertés fondamentales des requérants et les préventions de troubles à la sécurité et l’ordre publics sous le régime de l’état d’urgence y compris en dehors de tout lien avec sa déclaration. C’est ce confirme les sages, en l’espèce, l’assignation à résidence peut être prise à l’encontre d’un militant écologique dans le cadre de l’état d’urgence par pure nécessité fonctionnelle autrement dit du défaut de forces suffisantes pour maintenir la sécurité aux abords de la COP 21, forces mobilisées dans l’action contre le terrorisme.

Le juge des référés a très rapidement pris acte de ce renforcement jurisprudentiel du contrôle, ainsi le 23 décembre 2015 une ordonnance de référé du Tribunal administratif de Poitiers a annulé une assignation à résidence pour défaut de « raisons sérieuses » et de menace pour la « sécurité et l’ordre public ».

Si le juge administratif se fait gardien des libertés individuelles dans le cadre de l’état d’urgence, il n’est pas, cependant gardien de la procédure, en effet, le Conseil constitutionnel écarte tous les griefs contre les attentats au respect du contradictoire, droits de la défense et au procès équitable.

B –La faiblesse des garanties procédurales sous l’état d’urgence validée par le juge constitutionnel.

Pour les requérants « les dispositions contestées méconnaissent le droit à un procès équitable, les droits de la défense et le principe du contradictoire ». En effet, en temps ordinaire l’article 142-6 du Code de procédure pénale dispose que : « L’assignation à résidence avec surveillance électronique est décidée par ordonnance motivée du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, qui statue après un débat contradictoire (…). Autrement dit la personne visée qui faire doit faire déjà l’objet d’une procédure à droit au respect du contradictoire corroboré par la présentation de toutes les preuves à charge et à décharge frappant cette personne.

Or, le Conseil constitutionnel va écarter l’existence de toute atteinte à ces droits fondamentaux procéduraux Car l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée le 20 novembre 2015 sur l’état d’urgence. En effet, il précise qu’il y a lieu à un débat contradictoire devant le juge administratif des référés. Ce qui est légalement le cas, l’alinéa 1 de l’article L522-1 du Code de justice administrative dispose que « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. ».

Néanmoins, il n’en oublie pas moins le mode de preuve occulte toléré pour l’Administration c’était notamment le cas les fiches S officialisées par la Loi sur le Renseignement validée par le juge constitutionnel le 23 juillet 2015 mais ce n’est pas toujours le cas des « notes blanches » des renseignements. Ces notes ont été admises sans difficultés par le Conseil d’État dans sa décision de renvoi du 11 décembre 2015, ainsi « aucune disposition législative ni aucun principe ne s’oppose à ce que les faits relatés par les notes blanches produite par le ministre (…) soient susceptibles d’être pris susceptibles d’être prises en considération par le juge administratif. »

Ces notes blanches sont des documents non datés émanant de l’Administration autrement dit l’Administration peut fonder ses preuves sur elle même, c’est ce que renvoi l’article 6 de la loi sur l’état d’urgence du 3 avril 1955 avec les termes « raisons sérieuses de penser ». Validés par la juridiction constitutionnelle.

Si le Conseil constitutionnel omet ou ne motive pas l’existence de ce mode de preuve, le Conseil d’État avait tenté de justifier dans une décision du 3 mars 2003 « Ministre de l’Intérieur c/ Rakhimov l’existence de ces « blancs » dans un souci de protection du secret des sources et des méthodes du service.

Dans ces conditions, lorsque l’Administration se fonde sur de telles notes, y compris sous le régime de l’état d’urgence, pour porter atteinte à des libertés et droits fondamentaux au motif de préserver la sécurité et l’ordre publics, commet effectivement un atteinte manifeste aux droits de la défense, au droit à un procès équitable et au respect du principe du contradictoire. Le requérant se trouve en effet en situation de faiblesse lors d’un débat contradictoire.

Le Conseil écarte, en l’espèce, l’atteinte à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui rappelle que « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » Ce qui peut sembler anecdotique puisque la question se pose effectivement si le régime d’état d’urgence n’est pas un État sans droits, il n’en reste pas moins un État d’insuffisance de droit, qui peut être problématique si l’état d’urgence advenait à durer.

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Le Conseil constitutionnel valide-t-il l’état d’urgence maladroitement ou en connaissance de cause ? Car il s’agit là de donner crédit à des atteintes aux droits et libertés les plus élémentaires dans n’importe quel pays se disant être une « Démocratie libérale », surtout que le Parlement également est relégué au second plan. Sachant que l’État d’urgence n’est pas prêt de s’arrêter, en effet, le 23 décembre 2015, a été déposé en Conseil des ministres un projet de loi constitutionnelle sur l’état d’urgence. Au vu des premiers éléments il ne s’agira pas de préciser et circoncire l’état d’urgence mais simplement faire une simple recopie de la disposition législative existante avec l’ajout polémique de la déchéance de nationalité. Ce qui va avoir pour résultat d’amoindrir le contrôle déjà limité des juges du fond, car le Conseil constitutionnel sous le régime l’état devra opérer à un contrôle moins approfondi à l’égard des droits et libertés garantis dans la même Constitution. État d’urgence comme tous les régimes autres régimes d’exception, mal des démocraties pluralistes ? Car depuis les attentats de 2001, elles semblent souffrir d’un mal commun, celui de faire l’État d’exception la norme, on pense au patriot act américain en vigueur depuis 2001, et l’État de droit l’exception.

 

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