Par Chuck Noel
J’entends autour de moi beaucoup de libéraux de bonne foi pourtant, m’affirmer que la IIIème République et son républicanisme français était foncièrement libéral puisqu’il prétendrait placer l’individu au centre de la réflexion. Il posait le primat de l’individu sur la société. Je parle bien du républicanisme Français et son incertaine définition propre à l’Histoire de France : « il faut républicaniser la République » pour reprendre les termes de Pierre Mendès France.
Si le Républicanisme prétendait cela en proposant une nouvelle analyse du paysage politique Français non pas fondé sur des mythes abstraits guerriers de la Révolution mais sur un pragmatisme qui aurait fait rougir Edmond Burke. Il n’en reste pas moins que ce postulat de l’individu ne sera finalement qu’une vaste farce et je l’ose, un véritable mensonge. Je ne vais pas prendre les figures du républicanisme au cas par cas. Certainement et c’est souvent le cas certaines figures républicaines étaient d’authentiques libéraux, Alain en est un exemple parmi d’autres.
Plusieurs arguments d’ordre général pour mettre fin à ce mythe, bien entendu je me cantonnerais au projet de la IIIème République, puisque ni la IVème, ni la Vème ne peut évidemment se prétendre libérale : la première ventant les « droits créances » ; la seconde l’aspect de Corps social un et indivisible au détriment des individus.
Premier argument : le droit d’association, les républicains ont été très réticent à l’idée d’une Liberté d’association par crainte de voir l’Église qu’ils combattaient d’exercer un Lobby. Très vite les congrégations religieuses ont été chassées. Les individus ne peuvent pas se réunir de façon durable dans le cadre d’une idée commune. Si l’individu est vraiment autonome, ne doit pas t-il avoir le droit de s’associer ou non comme bon lui semble, tant qu’il peut quitter à tout moment l’association ?
La Loi de 1901 sur « la liberté d’association » est en réalité une réforme anti-libérale puisqu’elle soumet la création de congrégation à l’autorisation de l’Administration et les autres types d’associations à déclaration préalable. Je ne savais pas qu’un régime prétendument libéral devait surveiller des individus « autonomes ». D’ailleurs, en contradiction totale avec le principe de Laïcité présentée par ces derniers, dès lors qu’on interdit aux individus de se réunir dans le cadre de leur vie privée dans des associations religieuses.
Deuxième argument : la Défense, pour les républicains la « défense de la Patrie en danger » est primordiale, le républicain est foncièrement nationaliste, vous allez me dire qu’il peut concevoir une Nation comme une somme d’individus sur un territoire donné ayant acceptés de manière libre et éclairée d’adhérer à cette communauté nationale. Le principat d’une Nation pour les libéraux est tout d’abord fondé sur le volontariat. Ce qui est loin d’être la vision des prétendus républicains libéraux sous la IIIème République puisqu’ils n’ont jamais remis en cause le principe du service militaire obligatoire propre à l’idée Rousseauiste d’armée de Citoyens, c’est à dire l’Homme qui doit se donner à l’État en tant que membre du corps social. Ainsi, la loi Jourdan-Delbrel qui date de 1798 n’a jamais été remis en cause par nos libéraux en herbe. Combattants de la Monarchie absolue ces républicains en oublient que sous la Monarchie Absolue (sans prendre la défense d’un tel régime) le principe était le volontariat : drôle de paradoxe pour des républicains voulant rompre avec l’ancien qui se retrouve plus libéral.
Troisième argument : L’École, l’arme politique par excellence pour les républicains, les lois sur l’école « gratuite » de 1881 et 1882 ne sont pas anodines. Au travers de ces Lois, les républicains ont chassé les religieux de l’enseignement, pas seulement de l’enseignement public mais aussi privé au travers de l’interdiction des congrégations. Encore une fois, si l’individu passe avant tout, pourquoi n’est-il pas libre de choisir son enseignant ?
L’enseignement alternatif ainsi neutralisé, l’École Républicaine se retrouve en situation de monopole de fait et sa gratuité ne ferra qu’inciter les classes les plus modestes à se tourner vers elle. Le but « républicaniser le paysan ». Le vrai dessein de l’École républicaine, c’est créer un homme nouveau, acquis aux idées de la République. Le but perpétuer le républicanisme français au pouvoir, plus particulièrement certains politiques avides de pouvoir. Le projet Républicain est avant tout un projet sociétal qui commence par la transformation de la nature Humaine. Encore à en faire rougir Rousseau. Comment veut-on se prétendre libéral quand on veut conditionner les hommes et veut diriger leur vie depuis l’enfance ? Justement, l’individu n’est-il pas libre d’adhérer à des valeurs puis de les quitter à tout moment ?
Continuons, je vous vois venir avec la méritocratie c’est à dire permettre l’ascension de l’individu en fonction de ses talents. Si c’est le cas dans le système empirique anglais, il n’en est rien dans l’idée républicaine française. La méritocratie républicaine est un faux ami, en réalité il s’agit de la carotte, pour non pas faire exceller l’individu en tant que tel, mais le faire exceller dans son zèle pour l’État républicain. On ne récompense pas les plus talentueux mais les plus zélés, le système de concours à la française en est sa triste matérialisation. Comment peut-on parler de Libéralisme quand on détourne sciemment l’individu de son épanouissement personnel par l’instruction vers une dévotion totale envers l’État ?
Quatrième argument : Le suffrage universel, il est étroitement lié à l’École puisqu’elle formate les électeurs, mais mérite d’être traité séparément. C’est l’arme qui permet de maintenir l’échiquier « libéral » en place. Il faut permettre par ce biais que le maximum de personne puisse voter républicain au niveau National. L’École est faite pour ça.
Tout ce « libéralisme » passe par le Parlement. Celui-ci qui est censé être l’émanation de la volonté des individus partis au contrat politique. S’il peut être l’émanation de la majorité des individus, il doit aussi permettre l’alternance pour épouser au maximum les aspirations de chacun. Sauf que sous la IIIème République, l’alternance était néant. Vu qu’on votait au sortir de l’École et quand on avait pas la même pensée que les républicains on ne votait pas. Ce fut le cas des femmes bloquées systématiquement par le Sénat. Jugées mal-pensantes.
Peut-on parler de Libéralisme quand on empêche la pluralité idéologique ?
Une fois cette tyrannie de la majorité installée, le Parlement républicain peut se targuer d’une légitimité légale. Les Républicains « Libéraux » peuvent donc se livrer à leur vénération préférée qui n’est rien d’autre que celle de la Loi acte du Parlement. La loi volonté de la majorité échappe ainsi à toute considération éthique, constitutionnellement. La loi ratifiée est au contre de tout. Ce n’est rien d’autre que du positivisme juridique où même la Constitution de 1875 se retrouve supplantée par la Loi du Parlement. Les lois et droits naturels sont complétement évincés c’est à dire que chez les républicains on part du principe, encore une fois rousseauiste, de la « liberté » par l’obéissance à la Loi.
Donc une idéologie, un régime qui se fonde par la Loi positive sans considérations jusnaturalistes pourtant propre au Libéralisme, propre aux Hommes puisque ce sont leurs droits immuables est-il pour autant libéral ?
Aujourd’hui, le Libéralisme est très mal vu à cause de ses diverses distorsions, il est vrai qu’on passe mieux « Libéral » que « Nazi » pour attirer les faveurs de l’électorat. L’Européisme en est le parfait exemple, une Union européenne qui contrôle, réglemente et concentre les moyens de productions par ses moyens peut-elle valablement se déclarer Libérale ?