L’illusion « originaire » : aux origines d’une Liberté seulement proclamée.
La Révolution Française marque un tournant dans l’approche des Libertés individuelles, tout du moins sur le papier, si la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen déclare dans la première partie de l’article 4 que : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. » A partir de cela, on peut aisément affirmer que la Liberté du Commerce et de l’Industrie est une Liberté fondamentale, puisque le commerce n’apporte que prospérité et ne peut nuire à autrui, de plus tous disposent de la faculté d’entreprise, la seule limite réside dans les capacités et talents de chacun. D’ailleurs, elle sera affirmée- seulement affirmée- par le législateur révolutionnaire par ces deux textes : le premier est le décret d’Allarde du 2 et 7 mars 1791 qui va déclarer supprimer tous les corps de métiers (corporations) de l’Ancien Régime, et le second texte est la Loi le Chapelier du 14 juin 1791 qui va proscrire la réformation des corporations.
Si ces textes solennels servent encore de référence « officielle » rappeler l’importance de cette Liberté, le temps à démontrer que ces deux textes –plus particulièrement le premier- n’étaient qu’une déclaration sans substance. Car le législateur tout puissant n’a pas hésité à réglementer par la suite toute forme de profession dégageant de véritables monopoles « bénis par l’État », en effet l’exemple le plus frappant et actuel est celui des taxis où par une loi de 1937 le législateur a entendu créer une licence de taxis limitant ainsi le nombre de chauffeur taxis, avec pour résultat la bulle spéculative engendrée par la revente des licences et la brutalité de ces derniers face à Uber. Le législateur de 1937 devait ignorer ce que veut dire la « création destructrice ». D’autres professions réglementées barrent la route à la Liberté du commerce et de l’industrie. De plus, le Conseil d’État dans un arrêt Daudignac de 1951 avait érigé cette liberté comme fondamentale… en dehors de l’hypothèse d’une profession réglementée par la Loi –toute puissante. D’ailleurs le Conseil constitutionnel –comme on le sait est d’une légitimité sans bornes – a dans une QPC du 13 mai 2011 affirmé l’importance de la Liberté du commerce et de l’Industrie mais encore une fois dans la limite de la loi qui est la seule pouvant « apporter à la liberté d’entreprendre des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général à condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées. » En somme, alea jacta est.
*Le Conseil constitutionnel repartira à reculons dans sa QPC « SAS Uberpop !! »du 22 septembre 2015 où il rejettera d’un bloc un des fondements même de la Liberté d’entreprendre, autrement dit ce qui va motiver l’esprit d’initiative : la demande. En effet dans sa décision les « sages » vont considérés que seuls les « transporteurs » énumérés par la loi (Article L3124-13 du Code des transports) sont habilités à répondre à la demande. Même si celle-ci est insatisfaite et grandissante. En somme, c’est un coup de poignard en plein cœur de la Liberté d’entreprendre.
Ainsi, le législateur Français et ses juges n’ont que faire de la Liberté d’entreprendre, n’ont que faire que vous ayez l’esprit d’initiative, car c’est mauvais pour les affaires du Gouvernement central… d’ailleurs Tocqueville avait déjà mis en garde de cet affaissement de l’esprit d’initiative dans les mœurs française, notamment par les effets pervers de la centralisation politique et administrative.
Toutefois, si la Liberté du commerce et de l’industrie -au même titre que la Liberté d’opinion- doit être et est un droit naturel puisqu’elle procède de l’esprit de l’individu dans les limites naturelles des exigences du marché (v. partie 1).
Une problématique, toutefois, s’impose puisque le Gouvernement civil dans sa conception libérale procède d’une convention entre des individus pris un par un, qui vont aliéner une partie de leur droits naturels car ils vont en tirer mutuellement un bénéfice personnel par exemple éviter de s’exposer notamment à la guerre, garantir leur propriété privée, puis d’un « trust » à des gouvernants –dont on peut démettre en cas d’abus. Voilà que nait la « res publica » ou chose publique, des pans entiers de droits naturels sont mis en commun : le Gouvernement, la magistrature, la législature ainsi que d’autres pouvoirs régaliens comme la police afin de veiller contre les atteintes des libertés de chacun. Concrètement, va découler de cette mise en commun la création de services publics –à la base non marchands et originellement au service de tous les trustees. Si un service public non marchand peu se placer –dans la limite des droits et libertés de chacun-dans une situation de monopole. La problématique qui s’en dégage alors est : un service public, cette fois-ci marchand -peut-il concurrencer un service privé ? Si oui dans quelle mesure ? Et inversement un service privé peut-il concurrencer un service public marchand ? Si la réponse semble évidente, un service public marchand ne saurait exister s’il existe un service privé suffisant, et un service public n’aurait plus de raison d’être si le service privé prend naturellement le dessus –dans l’hypothèse que l’État joue le jeu de l’égale concurrence. Le législateur, ainsi que les juges français n’ont pas vu la chose de cette oreille et ont développé toute une série de restriction au service privé –pour le seul profit d’un service public marchand souvent inutile, coûteux, et sans une réelle compétitivité sur un marché…-voir les 40 000 fonctionnaires de Bastiat- mais coercitif pour les individus.