La puissance paternelle est l’essence du pouvoir politique, c’est ce qu’on nous présente habituellement. Mais est-ce une réalité, le pouvoir politique tire-t-il sa légitimité à partir d’un prétendu pouvoir issu du père de famille ?
Pour John Locke, le pouvoir paternel est celui qui émane également des deux parents d’un enfant, ou celui qui émane d’un tuteur. Ainsi, les parents ou le tuteur doivent apporter à l’enfant toute l’attention qu’il faudra, veiller à son élévation, veiller à sa conservation et veiller à le punir « tendrement » s’il le faut. Cela suppose que l’enfant mineur n’a pas encore une volonté pleine et entière, puisqu’il n’a pas encore atteint son « état de raison », c’est à dire quand « tout homme qui sait l’étendue de la Liberté, que les lois lui donnent, est en droit de se conduire lui même. » Lorsqu’on est capable de discernement, on devient libre, les parents n’ont dès lors plus aucune emprise sur l’enfant majeur. Il est désormais leur égal en droit. Les parents ou tuteur n’ont aucun droit, ni sur la personne, ni sur les biens du mineur, puis du majeur.
Cet état de raison atteint revient à dire que le pouvoir paternel ne peut être temporaire, et qu’il n’est qu’un pouvoir d’accompagnement, ce pouvoir est en réalité un devoir, le devoir de préparer sa progéniture à la Liberté.
Pourquoi faut-il nécessairement cet « accompagnement » pour un mineur ? Tout simplement pour Locke le mineur qui n’est pas pourvu de raison, j’adonnerai à la brutalité et à la violence, ce qui est contraire à la loi de nature de conservation.
Locke martèle bien sur le fait que le pouvoir des parents ou tuteurs sur les enfants mineur n’est que temporaire, ce pouvoir ne saurait être imprescriptible, ainsi lorsque la majorité est atteinte, ce pouvoir s’éteint aussitôt.
Quand on sait que la personne sous la garde de ses parents, tuteurs est apte à être libre ? C’est là la faiblesse de la l’argumentaire de Locke, il reste assez flou sur le sujet puisqu’il semble considérer que cela revient aux « gardiens » de juger si le mineur a atteint ou non l’état de raison. Ce qui revient à un pouvoir absolu sur le mineur, ce que Locke pourtant rejette, ainsi justement cette constatation ne devrait pas venir de l’intéressé puisqu’il est pourvu de Raison, donc n’est-il pas assez libre pour décider de sa Liberté ? Étant donné qu’il dispose de la conscience « qu’il comprend ces lois ».
Toutefois, il semblerait néanmoins que le pouvoir des parents ou tuteur subsiste après la majorité sous forme d’un devoir perpétuel envers ceux qui ont accompagné l’ancien mineur vers son « état de raison ». En effet, le majeur aurait, selon Locke, une reconnaissance perpétuelle envers ceux qui l’ont accompagné vers son état de raison. Ce qui relève finalement du bon sens, puisque ce devoir qui est également un devoir de respect et secours, vise la conservation maximale de ces personnes, sachant que la conservation de soi et d’autrui sont les lois naturelles fondamentales, qui de mieux que la personne qui a grandi auprès de ses parents ou tuteurs pour veiller à leur conservation.
Si ces devoirs ne s’assimilent en aucun cas à une quelconque sujétion, puisque lorsque l’état de raison atteint, le majeur est libre, soit de rester sous l’égide des lois positives d’un pays donné ou bien de partir dans un autre pays sous d’autres lois. Les parents peuvent toutefois inciter les majeurs de rester dans le pays donné ou voir même dans une certaine sujétion notamment par la dévolution successorale, néanmoins, cet amoindrissement hypothétique de la Liberté ne pourrait résulter que du consentement du majeur.
Ainsi, Locke déduit et conclu qu’aucun pouvoir aussi naturel qui soit comme celui de la famille, ne saurait être absolu sur le mineur et le majeur plus tard, sans que ce dernier à sa majorité ait donné son consentement à un quelconque amoindrissement de Liberté. Il peut toujours rompre ce consentement. Puisque la Liberté s’entend tant positivement que négativement. On peut ainsi qu’un pouvoir politique ne peut résulter que d’un consentement libre, éclairé et personnel de chaque individu souhaitant participer à son édification, et qu’il ne résulte pas d’une quelconque providence ou fondement prétendument naturelle comme la famille.