Par Chuck Noel, (Juillet 2015)
Màj 23 août 2016 : Les producteurs de lait s’en prennent à « Lactalis » l’intermédiaire de produits laitiers. Le prétexte avancé : Lactalis, leur rachète leur lait en dessous de leur coût de revient. L’État n’était-il pas venu en aide à ces producteurs, comme nous l’avions affirmé dans cet article ? Cette nouvelle actualité est la démonstration, que l’interventionnisme étatiste ne fonctionne pas, notamment en matière d’agriculture. Sinon, aussi, pourquoi autant de pertes chez les producteurs laitiers ? Ne serait-ce pas judicieux d’aller voir du côté des taxes et impôts grevant ces producteurs avant de s’en prendre à Lactalis ? En effet, on pourrait parler de la taxe sur le chiffre d’affaire des exploitants agricoles, ou encore sur les bénéfices agricoles. Avec cette nouvelle crise du lait, ce long cycle d’asservissement : taxes – subventions; subventions – taxes, à de longs jours devant lui.
« Les gouvernements ont une vision très sommaire de l’économie. Si ça bouge, ajoute des taxes. Si ça bouge toujours, impose des lois. Si ça s’arrête de bouger, donne des subventions. » Ronald Reagan.
Après les taxis partis en « croisade » contre Uber, c’est au tour des agriculteurs de monter au créneau, ainsi depuis le début de la semaine, avec le blocage de la voie d’accès au Mont Saint Michel –zone ultra-touristique. C’est désormais plusieurs blocus éparpillés dans les quatre coins de l’Hexagone qui ont émergé suite à l’appel des principaux syndicats d’agriculteurs, la FNSEA et les « Jeunes agriculteurs ». Ces derniers réclament-du Gouvernement- plus d’équité dans le processus de distribution des denrées agricoles, dont ils estiment être mis à l’Index par rapport aux marges réalisées ainsi que des pratiques qu’ils estiment déloyales de la part des grands groupes de la grande distribution. En outre, les producteurs de laits réclament aussi -du Gouvernement, encore !- un arrêt de la baisse du prix du lait.
Le Gouvernement –qu’est-ce qu’on ferait sans lui- a mis en place un plan d’urgence de 600 millions d’euros, englobant 500 millions d’euros « d’avance » et 100 millions d’euros d’annulation de charges… et pour le problème du lait un accord aurait abouti sur le blocage du prix du lait… une énième politique de blocage des prix… ce qui nous amène à plusieurs problématiques.
Cet interventionnisme permanent est-il vraiment la solution pour sauver l’agriculture Française ? Ou au contraire c’est cet interventionnisme qui asphyxie l’Agriculture Française ? Ce qui reviendrait à se poser la question de savoir, si une agriculture non subventionnée peut être viable ?
I –La relation Etat/Agriculture : une relation bien étroite.
La question de la subvention de l’Etat à l’agriculture en France ne date pas d’ hier, déjà sous l’Ancien régime le contrôle du secteur agricole soulevait déjà bien des problèmes. Ainsi, Alexis de Tocqueville dans son ouvrage « L’Ancien Régime et la Révolution » paru en 1855 a pu dénoncer la réglementation erratique de l’agriculture française, traduite par un Gouvernement central complétement déphasé aux réalités du terrain, par exemple, en y ordonnant l’arrachage de vignes sur des terres saines, bien sûr cette réglementation était décidée depuis la Capitale. Sans compter les politiques « d’aide » des agriculteurs accompagnées de pseudos-primes, de programmes d’apprentissage de l’art agricole ou de l’art de s’enrichir, programmes souvent imposés aux agriculteurs car réputés par le pouvoir comme des « ignorants ». Ces Politiques étaient toujours décidées depuis la Capital. Mais aussi dénonçant le classique « retour de bâton » à traduire par « taxations » – complément arbitraires : « L’intendant, ainsi que le ministre, font tomber le fardeau de la surtaxe tantôt sur l’agriculture plutôt que sur l’industrie, tantôt sur un genre d’agriculture plutôt que sur un autre (les vignes, par exemple), suivant qu’ils jugent que l’industrie ou une branche d’agriculture ont besoin d’être ménagées. » ainsi le formulait Alexis de Tocqueville. « Le Gouvernement était déjà passé du rôle de souverain à celui de tuteur ».
Ce qui avait pour conséquence l’installation d’un cycle sans fin de dépendance de l’agriculture au pouvoir central. Cette situation n’a aujourd’hui guère changée. Bien au contraire, on pouvait voir –au niveau National- rien qu’en 2004 que la part des subventions publiques représentaient plus de 80% du revenu d’entreprise agricole. Concrètement, ces subventions se traduisent par des quotas, des politiques de blocage des prix (comme pour le lait), réglementations diverses et variées sur les produits et bien entendu des dotations publiques.
L’« engraissage » de l’agriculture ne réside pas seulement au niveau national ainsi au niveau de l’Union européenne, la Politique agricole commune (Pac) représentait pour la France un investissement de 20 milliards d’euros en 2012, pour une retombée de -7millards d’euro la même année, disait-on pour réduire les distorsions de concurrence entre les Etats membres de l’Union Européenne. Notons que -plus largement- près de 80% des pays de l’OCDE pratiquent ce genre de politique « d’engraissage ». D’ailleurs, il faut noter qu’on parle principalement de dotations publiques, ce n’est pas sans compter toutes les réglementations –au niveau de l’Union Européenne- aussi ubuesques les unes que les autres, concernant le secteur de l’agriculture. Ainsi, par exemple, sous prétexte d’un risque sanitaire majeur pour le consommateur européen, le fromage au lait cru a été décrété impropre à la consommation. Autre exemple une interdiction encore en discussion… celui des champs de lavandes pour les mêmes motifs. Types de mesures, bien entendu, décidées par d’obscures bureaucrates dans les dédales des Institutions de l’Union.
Tout ceci nous ramène à notre question de savoir si après tout ça, une agriculture non subventionnée peut-elle exister et prospérer ?
II –Une agriculture non subventionnée : une hypothèse envisageable, l’exemple Néo-Zélandais.
Si on se tient aux « idées reçues » sur le sujet on tendrait à répondre qu’il est impossible qu’une agriculture subsiste sans intervention de l’Etat et de ses institutions, car croit-on qu’il a toujours eu un lien étroit entre agriculture et État. Puisque la première étant celle qui produit l’alimentation de l’Homme, donc forcément l’État « au service » des populations devrait tout naturellement l’encadrer. Mais on a vu que cet « élan de générosité » étatique permettait en réalité de garder sous muselière l’Agriculture, en y générant une dépendance artificielle de celle-ci au profit du seul État.
Toutefois un élément de réponse est apporté par le « droit comparé », en effet il existe dans ce monde un pays qui a supprimé toute forme de subventions dans l’agriculture… ce pays c’est la Nouvelle-Zélande. Dans les années 80, ce pays d’Océanie a connu une crise budgétaire sans précédent, obligeant ses gouvernants à faire des coupes nettes dans les différents budgets de l’État. Ce qui a eu pour conséquence la suppression pure et simple du budget alloué à l’Agriculture, notamment matérialisée par la disparition de toutes formes de subventions publiques dans le secteur agricole. Résultat de ce lourd calcul : Une agriculture néo-zélandaise moribonde ? Des milliers d’agriculteurs suicidés ? La famine ? Une dépendance économique de l’étranger ?
Non, rien de tout ça, juste près de 90% des denrées agricoles zélandaises sont exportées à l’étranger –pendant qu’en France et en Europe on ferme les exportations agricoles vers le gros marché Russe. La part de l’Agriculture pure dans le PIB de la Nouvelle-Zélande représente près de 5% et rajoutons 10% supplémentaires si on tient compte de la para-agriculture. Un vrai désastre économique à vrai dire !! Une transition aussi fut-elle vraie -sur le court-moyen terme- très difficile pour les agriculteurs néo-zélandais mais ces derniers ont su très vite s’adapter en diversifiant leurs offres, notamment en proposant de nouveaux produits, grâce a cela ils ont pu baisser leurs coûts et ainsi gagner en productivité et en compétitivité, seuls moins de 1% des agriculteurs néo-zélandais n’ont pas su s’adapter.
Cet exemple Zélandais est-il la route à suivre pour les autres pays à agriculture subventionnée –plus particulièrement en France ?
III -Une agriculture non-subventionnée : une hypothèse à envisager.
Le modèle néo-zélandais est l’exemple à suivre assurément mais la Culture du pays est d’essence « anglo-saxonne » c’est à dire orientée vers le commerce, et l’entreprenariat, preuve en est la population a su rapidement s’adapter à la disparition des subventions d’État. Mais qu’en est-il de la France ?
La suppression brutale des subventions nationales et européennes risqueraient de créer un séisme désastreux dans l’agriculture Française. En effet la sociologie Française est gavée par le Pouvoir central, depuis le quasi-début histoire de France -on en revient aux descriptions de Tocqueville (voir supra). D’ailleurs, preuve en est -encore- les principaux syndicats d’agriculteurs réclament toujours et encore plus de subventions, ainsi que des politiques de blocage des prix- notamment sur le lait. (Voir supra) De toute manière si l’agriculture Française veut de nouveau prospérer elle devra passer par cette « difficile transition » – et les agriculteurs devront se réajuster sur le marché. Concrètement, deux fléaux qui n’ont guère changés depuis des siècles gangrènent le secteur :
-Premièrement, la sur-taxation des agriculteurs français, souvent arbitraire. Ainsi les agriculteurs écrasés par le poids des charges vont chercher leur salut non pas devant le consommateur mais devant l’État providence, celui-là même qui les étrangles, donnant lieu à la mise en place d’un circuit malsain hermétiquement fermé à toute évolution du secteur.
-Deuxièmement, ce sont les politiques menées par l’État Français depuis plusieurs décennies voir bien plus qui sont majoritairement des politiques conjoncturelles –c’est à dire des politiques conjoncturelles « de relance » menées sur le court voir très court terme. Le plan d’urgence de 600 millions d’euros mis en place en est un exemple flagrant. Ce genre de politiques pourrait être assimilé à des injections d’adrénaline dans l’optique de relancer provisoirement la machine jusqu’à la prochaine injection. Mais au final le cœur fini toujours par lâcher…
On peut résumer ces deux points par ce simple schéma :
(Taxation des agriculteurs => agriculteurs en difficultés => subventions => nouvelle taxation des agriculteurs.)
Tout cela résume aussi le protectionnisme…
L’idée poursuivie par la Nouvelle-Zélande est de rechercher des résultats concrets sur le moyen-long terme, tout comme un épargnant qui, de prima abord semble; inutile pour l’Économie, car usant de la modération injecte que très peu d’argent sur le court terme dans l’Économie. À l’inverse d’un dépensier qui injecterait immédiatement son argent dans l’Économie, mais ce qu’on ne voit pas c’est que cet épargnant se retrouve sur le long terme plus utile et plus rentable pour l’Économie qui va voir son capital croitre et injecter dans l’Économie, alors que le dépensier sur le long terme va voir son capital décroitre- et accompagné de son utilité.
La sociologie Française n’est pas assez mature à cette « modération d’épargnant » pourtant salutaire, car force de subventions c’est toute l’Agriculture Française qui risque de disparaître laissant la place à un magnifique paradoxe pour un pays pourtant si propice au développement de l’agriculture.
L’agriculture française doit s’efforcer à se serrer une bonne fois pour toute la ceinture, si elle veut être sauvée, en somme « un mal pour un bien. »
Quelles solutions concrètes pour l’agriculture française ?
IV –L’abolition du « subventionnisme » : des Solutions pourtant simples.
Après avoir démonter que le système de subvention était la cause de l’agonie de l’agriculture française, nous pouvons y apporter quelques solutions concrètes facilement applicables :
1 –Tout d’abord, opter pour la suppression de toutes les réglementations sclérosant le secteur agricole tenant aux caractéristiques des denrées agricoles ou sur la quantité autorisée de ces mêmes denrées (quotas), et ce tant au niveau de l’Union européenne, qu’au niveau national. Si, par exemple, un risque sanitaire imminent et majeur devrait exister, il devra être constater, non pas depuis d’obscurs bureaux bruxellois, mais immédiatement sur le terrain. L’interventionnisme doit se limiter aux seuls pouvoirs régaliens tenant à la protection du consommateur des « vrais » risques sanitaires et de la protection de l’environnement (police de l’environnement) sanctionnant les agriculteurs, par exemple déversant des déchets toxiques dans un court d’eau nuisant aux autres exploitations et autres riverains.
2 –Abolir toute forme de dotations publiques, en commençant au niveau européen par la suppression de la Politique agricole commune, qui coûte près de 7 milliards d’euros au contribuable français. Puis abolir graduellement (voir supra) toute forme de dotations nationales, par exemple, par la réduction de la part d’argent public dans le RNEA remplacée petit à petit par les gains réalisés par la réadaptions des agriculteurs. Stoppons cette morphine !!
3 –Baisser les charges liées au secteur agricole et les rendre plus harmonieuses –trop d’incohérences entre un producteur de lait et de maïs. Et favoriser le développement de structures d’entreprises agricoles comme les coopératives agricoles notamment en défiscalisant et allégeant le formalisme pour la création de ce genre de structure. Le fait de pour des entrepreneurs d’unir ponctuellement et de manière consentie leur production, est l’essence même de la Liberté d’entreprendre.
En effet, ces coopératives sont un bon moyen aux agriculteurs de garder la mainmise sur leurs productions et ce qui a pour objectif de stimuler l’offre et donc faire baisser les prix, donc gagner en compétitivité. Au détriment peut être des « intermédiaires » mais l’allégorie de la vitre cassée de Frédéric Bastiat ne démontre-elle pas que le marché peut se réajuster, les anciens intermédiaires se tournant vers l’agriculture en expansion à proprement dite.
4 –Enfin, une fois les 3 premières solutions réalisées, les agriculteurs pourront se diversifier, engendrant ainsi une baisse de leurs coûts de production et enfin être compétitifs sans toucher ne serait ce qu’une fois à leur rémunération. Ce qui, au contraire ne pourrait qu’être positif pour leur rémunération.
Ainsi avec ces 3 premiers ingrédients et le 4ème relevant de la seule volonté des agriculteurs, car ils sont les seuls maîtres pour décider de voir ou non l’agriculture Française flamboyante. Reste à savoir si cette volonté suivra le moment venu. Malheureusement on tendrait pour la France à croire ceci : que « Les Hommes sont aveugles, si entrainés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve quelqu’un qui se laisse tromper. » Espérons que pour cette crise de l’agriculture Machiavel se soit trompé.