Frédéric Bastiat ou l’éloge du bon sens. « Ce qu’on voit » et « ce qu’on voit pas. » (Partie 3/3)

entrebailleur-de-porte-a-chaine-economique-128212-A1Dernier épisode de notre Odyssée au coeur de l’Économie politique selon Bastiat. Dernière partie qui nous démontre de l’importance de l’Économie politique comme matière à part entière, corollaire indispensable à d’autres matières telles que le droit, la science politique ou l’histoire. En effet, l’économie politique va permettre une projection vers l’avenir, trouver ainsi la meilleur solution à une situation donnée, sans s’arrêter sur des faits présents. Ainsi, si les Hommes eurent à utiliser l’Economie politique systématiquement, ils auraient pu anticiper tous les drames de notre Histoire. C’est le cas par exemple de la Révolution Française, qui est tout sauf un événement soudain issu de la divine providence « c’est ce qu’on voudrait y voir », mais tout simplement le résultat d’une profonde évolution débutée bien des siècles avant 1789, « c’est ce qu’on ne voit quasiment jamais ». Alexis de Tocqueville dans son ouvrage « L’Ancien Régime et la Révolution » en fait là un brillant exposé, car selon son idée que c’est l’affermissement systématique du pouvoir central depuis plusieurs siècles  a abouti à ce qu’on appellerait presque à tord la « Révolution ». Pour dire que si les prédécesseurs à la Révolution avaient un tant soit peu utilisé l’Economie politique ils auraient pu prévoir. Dans la dernière partie de son ouvrage Bastiat va continuer à utiliser l’économie politique, en se détachant toujours des effets directs d’une situation donnée, mais y recherchant les aspects cachés en allant derrières les lignes du « socialisme » et en se projetant sur la ligne du temps pour y trouver -à tord ou à raison- la solution la plus appropriée. On apprend également que « l’Economie » contrairement aux idées reçues peut être compatible à la « Morale ». Toujours suivant l’idée aristotélicienne « allier le bon, l’agréable et l’utile ».

 

IX –Les crédits.

 

Pour Bastiat le crédit « étatisé » ou « socialiste » n’est pas une bonne chose. En effet, il met en exergue le fait que l’argent n’est qu’un intermédiaire pour arriver au produit. L’emprunt permet en réalité d’emprunter le produit pour le profit d’une troisième personne c’est à dire celui qui nous a accordé crédit. Ainsi le « crédit » a pour finalité louable de faciliter les « ententes » entre détenteur d’un produit et acquéreur. Or Bastiat fait bien de souligner qu’il ne peut y avoir plus de transactions que de produits, et le crédit ainsi généralisé mènerait –selon Bastiat- vers une pénurie.

 

Pour Bastiat le prêt « étatisé » a plusieurs conséquences néfastes, si celui ci permet à X d’obtenir avec l’appui de l’Etat, un produit, et donc –soit disant- permettre à X de « s’élever ». « C’est ce qu’on voit ». Mais on oublie que le nombre de produits est limité donc si X a pu emprunter et acquérir son produit, on oubli que Y ayant le crédit suffisant pour acquérir le même produit se retrouve privé de celui-ci, ce qui est contreproductif puisque Y était en passe de devenir plus productif avec son propre labeur ce qui est une perte pour la Nation, mais aussi l’Etat qui a posé des garanties en prêtant à X, les prend chez le contribuable, celui qui « contribue » pour le « bien public ». Or il participe à une transaction d’ordre privé qui ne les intéresse aucunement. « C’est ce qu’on ne voit pas ». La réalité c’est qu’on n’accroit pas les richesses, on accroit les empreints et par conséquent on ne déplace que celles ci. On rend une fois de plus les individus encore plus dépendants de l’Etat « usurier », par exemple en augmentant les taux d’intérêts.

 

On peut faire l’analogie avec le « consumérisme hédoniste » comme on le disait n’a pas pour objet de « conforter » l’individu mais de le rendre dépendant. Le crédit est ainsi pour lui le meilleur instrument pour imposer sa domination.

 

 

X –L’Algérie.

 

Ce chapitre n’est plus vraiment d’actualité, mais certaines idées sont à prendre en considération. Cette rubrique sera développée dès que possible. Car la question de l’Algérie nécessite malgré tout quelque éclaircissement.

 

XI –Luxe et épargne.

 

« Epargner, c’est dépenser ». C’est qu’affirme Bastiat dans un des chapitres où le bon sens prédomine. En effet, il va mettre en opposition le Luxe et l’Epargne. Mais surtout réussir à réconcilier l’Economie et la Morale. Intérêt personnel et moral. En posant la problématique de savoir lequel des deux rapporte le plus au capital National ?

Le Luxe se résume par une pluie de dépenses, par un « gros porteur » qui « jouit » de sa situation, la première chose qu’on va dire sur ce gros dépensier, c’est que ni pas très morale, mais celui-ci en dépensant beaucoup va contenter tout un tas de fournisseurs, donc d’ouvriers et participer à l’accroissement du capital National. « C’est ce qu’on voit. »

A côté l’Epargne se résume par un comportement « individualiste », raisonné, et se traduit par l’économie d’argent pour le réutiliser pour l’avenir. La vulgate va considérer le considérer moralement supérieur mais économiquement inutile puisque –soit disant- il ne participe pas à l’accroissement du capital national en économisant. Il dispose moins de fournisseurs, donc moins d’ouvriers à contenter. « C’est ce qu’on voit ».

Bastiat fervent catholique va dans un raisonnement digne de bon sens démontrer qu’au contraire l’épargnant surpasse le « dépensier ». Si l’épargnant place une somme plus petite que le dépensier directement sur le marché, il n’en reste pas moins que sur le long terme il prendra le dessus, puisque qu’à l’instar du dépensier, son capital va s’accroitre tandis que celui du dernier ne peut que décroitre.

L’épargnant va injecter dans l’économie sur  le long terme plus d’argent que le dépensier, notamment dans les œuvres de bienfaisances et en jouant au jeu de l’investissement/épargne. « C’est ce qu’on ne voit pas ».

En fin de compte l’argent épargner va tout autant favoriser le travail des ouvriers –voire même plus sur le long terme- que les dépenses folles du « dépensier ». L’épargnant gagne sur tous les terrains, et économique, et morale. La sentence de Bastiat est claire « La morale est conciliable avec l’Economie ». Et même mieux, ces deux notions peuvent aller jusqu’à former une véritable « symbiose ».

 

L’idée poursuivie ici est l’idée Aristotélicienne de la moindre mesure, de la tempérance, « on a plus a gagné en se modérant ». Le mal de nos Sociétés est bien définit, c’est celui de la jouissance de l’immédiateté qui rend nos Sociétés si incertaines. Cela vaut aussi et surtout pour la Politique, comme le disait Churchill : « Un homme politique considère la prochaine élection ! Un Homme d’Etat considère la prochaine génération ! ». Même Machiavel père du Politique (moderne) mettait déjà en garde dans le Prince : « Les Hommes sont aveugles, si entrainés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve quelqu’un qui se laisse tromper. »

 

 

 

XII –Droit au Travail, droit au profit.

 

 

Il s’agit du dernier chapitre traité par Bastiat et non des moindres il s’agit de celui du droit « au » travail, que Bastiat combine au droit « au » profit. Sa critique est très contextualisée puisqu’elle se pose sous la Seconde République avec l’instauration des ateliers nationaux, et la naissance du droit « moderne » du droit « du » travail. Précision que la contraction « au » est synonyme d’obligatoire, ou encore « pour tous ».

 

Il va appliquer la technique des causes et effets propre à l’économie politique. En effet, dans son contexte tout le monde voit pour ce qui est des « ateliers nationaux », l’octroi du droit « au » travail pour « tous » les ouvriers. « C’est ce qu’on voit ».

Toutefois, ces ateliers nationaux ne fonctionnent pas par l’intervention divine du Puissant, il faut les financer ces ateliers. Ainsi, les ménages sont grevés d’une taxe de 45 centimes afin de permettre le financement de toute cette infrastructure. Sauf, que ces 45 centimes –au doux nom de cotisation sociale-ainsi grevés sans le consentement des contribuables, les privent d’un revenu supplémentaire, engendrant donc une réduction de la consommation, donc de la production, engendrant par conséquent des effets indésirables pour l’Economie. « C’est ce qu’on voit pas ».

 

Ainsi, ce « système » d’ateliers nationaux n’ouvre pas en réalité –selon Bastiat- un droit au travail puisque les non-assimilés aux dispositifs, perdent un gain de productivité et de revenu, et donc amène à une diminution des emplois. Ainsi, on prend d’un point une somme pour la déplacer amoindrie à un autre point. Perte nette pour la Nation. Mais où va cette « somme » ainsi disparue ?

 

Et bien alimenter le droit au profit, que Bastiat va combiner au droit « au » travail, ce droit au profit est la véritable face de la médaille « des ateliers nationaux », en offrant pas une meilleur dignité aux ouvriers en leur offrant un travail mais en enrichissant un « industriel » quelconque qui avec l’approbation de l’Etat socialiste va monopoliser les forces du travail et l’industrie, en grevant d’impôt les autres industries , qui indirectement, perdent de l’argent du fait de la baisse de la consommation engendrée par cet impôt.

 

Celui ayant accompli ce sinistre dessein va se permettre, ainsi placer en situation de monopole, la médiocrité, car en cas de perte de profits l’impôt sera toujours là pour lui garantir.

 

Comme Bastiat le qualifiait justement dans son ouvrage « La Loi » il s’agit la d’une spoliation pure et simple des richesses et de la liberté de choix des contribuables.

 

Aujourd’hui, certes les ateliers nationaux ont disparu, mais l’Etat socialiste n’a pas manqué de ruse au cours des dernières décennies, en y instaurant toute sorte de mesure visant soit disant favoriser l’emploi. On peut parler des « emplois jeunes », qui ont eu pour conséquence une hausse des taxes patronales –coupant court- à la chaine de l’économie. Emplois « jeunes » dans des secteurs saturés du tertiaire qui plus est. Le droit au profit a encore de beaux jours devant lui. En tout cas, pour certaines personnes -bien sûr- plus égales que d’autres.

 

On peut en conclure qu’il ne faut jamais s’arrêter aux effets directs d’une chose, mais concevoir la chose justement dans toute sa complexité, autant sur le long terme que sur le court terme, c’est comme cela qu’on définit « l’Economie politique ».

 

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